Le Premier ministre britannique Gordon Brown fête samedi ses deux ans à Downing Street, mais il pourrait bien s'agir de son dernier anniversaire au pouvoir, tant le retentissant scandale des notes de frais a encore rongé une popularité déjà en chute abyssale.

«Le problème, c'est que, à un certain moment, on arrive à un point où les gens finissent par ne plus vous écouter», analyse Robin Pettitt, politologue à la Kingston University de Londres. «L'actuel gouvernement s'approche dangereusement de ce stade».

De son propre aveu, le dirigeant travailliste vient de connaître parmi les pires semaines de sa vie politique. Onze membres de son gouvernement ont claqué la porte, parfois en citant Gordon Brown comme la raison de leur départ, contraignant le Premier ministre à annoncer un remaniement limité et précipité le 5 juin.

La veille, son parti le Labour essuyait une déroute historique aux élections locales et européennes, alimentant une fronde au sein même de sa formation.

La mutinerie n'a certes pas abouti mais c'est plus parce qu'aucun travailliste ne veut prendre la place de chef alors que s'annonce à l'horizon une humiliante défaite aux prochaines législatives, qui doivent être convoquées en juin 2010 au plus tard.

L'ensemble des sondages prédisent le triomphe des conservateurs du jeune et charismatique David Cameron, 42 ans.

Le ténébreux Ecossais de 58 ans, fils d'un pasteur, n'a jamais brillé par son charisme. Il est arrivé au 10, Downing Street, fin juin 2007 sans élection, remplaçant un Tony Blair blessé par l'impopularité de l'engagement de Londres dans la guerre en Irak.

M. Brown, qui était jusqu'alors ministre des Finances, ne connaîtra qu'un éphémère état de grâce. Dès l'automne 2007, il était accusé de lâcheté pour ne pas avoir voulu anticiper des élections générales, qu'il aurait pu gagner à l'époque. Sa cote de popularité s'est alors réduite comme peau de chagrin, à tel point qu'il a essuyé à l'automne 2008 une première mutinerie au sein du Labour.

La sévère récession subie par le pays lui a permis de se redonner une stature, le prix Nobel de l'économie américain Paul Krugman l'élevant même au rang de «sauveur du système financier mondial».

Mais le mois dernier, éclatait le scandale des notes de frais des députés, parfois également ministres. Pendant de longues semaines, la presse a égrené les libertés prises avec le système légal, mais jugé abusif, de défraiement des parlementaires.

Si l'ensemble de la classe politique a été touché, c'est le Labour qui en a le plus souffert, son électorat plus populaire voyant d'un mauvais oeil les excès des dirigeants tandis qu'on lui demande de se serrer la ceinture.

Gordon Brown reste cependant confiant qu'on rendra justice à sa politique anti-récession. «Les gens savent que nous avons pris ces décisions pour tenter de relancer l'économie mais ils n'en voient pas encore les résultats», a-t-il déclaré au quotidien The Guardian, proche du Labour.

Le politologue Robin Pettitt a lui aussi «le sentiment que, une fois la poussière retombée, la réponse (apportée par M. Brown à la crise économique) sera perçue comme judicieuse».

Dans une très rare confession au Guardian, le Premier ministre a cependant envisagé sa vie sans la politique. «Je ne craindrais pas de ne jamais retrouver tous ces endroits: Downing Street, Chequers (résidence secondaire du Premier ministre, ndlr)... et ça serait probablement bon pour mes enfants».

Mais pour l'heure, pas question de lâcher la barre en pleine tempête, a-t-il expliqué en substance, cette fois dans une interview au Times publiée vendredi.

 «J'ai toujours eu l'intention de faire le travail que je me suis fixé, je ne vais pas me laisser détourner», a-t-il assuré.