A des milliers de kilomètres de Téhéran, la BBC Persian TV, chaîne de télévision en farsi de la «Beeb», est devenue le foyer d'Iraniens qui refusent de reconnaître la victoire de Mahmoud Ahmadinejad lors de la présidentielle du 12 juin.

Lancée il y a six mois seulement, la BBC Persian TV a déjà des millions de téléspectateurs. Pourtant, elle n'a aucun correspondant en Iran, faute d'autorisation des autorités qui entretiennent des relations exécrables avec la «Beeb».

La très grande majorité des 140 employés de la BBC Persian travaillent à Londres. Il s'agit de la deuxième chaîne de télévision de la BBC lancée dans une autre langue que l'anglais, après la BBC Arabic Television, qui diffuse depuis mars 2008 au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Quinze millions de livres par an (16,8 millions d'euros) ont été accordés par le gouvernement britannique pour le lancement de la chaîne. Le service dépend de la BBC World Service, qui tire son financement du ministère des Affaires étrangères, à la différence de sa version britannique qui puise ses ressources dans la redevance télévision.

Depuis la présidentielle du 12 juin en Iran et la reconduction contestée de Mahmoud Ahmadinejad, la BBC Persian est inondée de courriels de partisans de l'opposant Mir Hossein Moussavi. La chaîne dit recevoir plus de six mille méls par jour.

 «C'est principalement ceux qui sont contre M. Ahmadinejad qui nous contactent», déclare à l'AFP Pooneh Ghoddoosi, présentatrice. Mais ils ne sont pas tous des partisans de Moussavi. «Il s'agit juste de gens frustrés de voir ce qui se passe dans le pays».

La chaîne est devenue le receptacle des mécontentements. Elle diffuse vidéos et photos des manifestations, souvent prises par des téléphones portables lors des manifestations. Elles les montent et les diffusent pour le plus grand intérêt d'une population iranienne qui ne verrait pas sur les médias publics ces images de confrontations entre opposants et forces de l'ordre.

 «La plupart des vidéos que nous recevons montrent des manifestants battus, s'écroulant sur le sol ou abattus par balles», raconte Mme Ghoddoosi. «Mais nous faisons très, très attention à ce que nous pouvons diffuser», assure-t-elle, précisant faire le tri entre les vidéos «dont l'authenticité est certaine et celles dont nous ne pouvons la vérifier».

La chaîne a également fait un tabac avec son interview, lundi soir, de Caspian Makan, fiancé de Neda Agha-Soltan, l'Iranienne tuée en marge des manifestations à Téhéran et dont les images de la mort ont déclenché une vague d'émotion. Le fiancé pointe du doigt la milice à la solde du président Mahmoud Ahmadinejad.

C'est l'existence même de la BBC Persian qui irrite Téhéran. Dimanche, les autorités ont ordonné au correspondant permanent de la BBC, Jon Leyne, de quitter le pays. Ce dernier travaille pour la chaîne principale, en anglais, de la Beeb, et nullement pour la BBC Persian.

«Notre travail, c'est l'information. Donc inévitablement, il y a un conflit d'intérêts», reconnaît Kasra Naji, journaliste. «Les gens peuvent avoir la possibilité de regarder CNN ou la BBC World Service mais le problème en Iran est qu'il n'y a pas beaucoup de personnes qui parlent anglais», explique-t-il.

Mais Téhéran ne devrait rien avoir à redouter de la BBC Persian, estime Pooneh Ghoddoosi. «A moins que vous teniez absolument à ce qu'aucune information ne sorte du pays et que vous ne vouliez pas que la population en Iran puisse recevoir des informations de l'extérieur».