Un attentat sanglant, attribué dans la foulée du 11septembre 2001 à la nébuleuse Al-Qaeda, pourrait cacher une affaire d'État mettant en cause plusieurs personnalités politiques françaises de premier plan, dont le président Nicolas Sarkozy.

Telle est du moins la piste considérée par les juges d'instruction chargés de faire toute la lumière sur la mort de 11 ingénieurs français de la Direction des constructions navales (DCN, aujourd'hui DCNS) tués en février 2002 à Karachi, au Pakistan, par une violente explosion.

"La piste Al-Qaeda est totalement abandonnée. Le mobile de l'attentat apparaît lié à un arrêt des versements" de commissions secrètes prévues en marge d'un important contrat militaire, affirme l'avocat représentant sept des familles touchées par le drame, Olivier Morice, qui vient de rencontrer les magistrats au dossier.

L'affaire commence en 1994 lorsque le ministère de la Défense français chapeaute la vente de trois sous-marins au gouvernement pakistanais pour une somme de plus de 1,2 milliard de dollars.

Au dire de plusieurs médias français, le contrat prévoyait le versement par la France de commissions représentant 10% du total à des officiels pakistanais.

Groupe islamiste

Les magistrats soupçonnent qu'une partie de ces sommes a été utilisée pour servir à financer la campagne présidentielle du premier ministre Édouard Balladur, alors engagé dans une féroce lutte politique avec Jacques Chirac.

Ce dernier aurait précipité une réaction musclée des intermédiaires pakistanais en décidant d'interrompre le versement des commissions, qui transitaient par une compagnie offshore.

L'hypothèse étudiée par les juges s'inspire d'un rapport, saisi en 2008 dans les locaux de la DCN, qui a été rédigé par un ancien membre des services secrets français. Il y affirmait que l'attentat avait été réalisé "grâce à des complicités au sein de l'armée (pakistanaise)" et des services secrets pakistanais qui auraient "instrumentalisé" un groupe islamiste pour obtenir la reprise du versement des commissions prévues.

L'ex-premier ministre Édouard Balladur a déclaré la semaine dernière que des accords avaient "effectivement" été passés à l'époque avec le gouvernement pakistanais mais que tout avait été fait de manière "parfaitement régulière".

Il a écarté l'idée qu'une partie des commissions ait pu être versée à son profit, soulignant "qu'aucune preuve" n'avait jamais été apportée à ce sujet.

Nicolas Sarkozy a aussi écarté la nouvelle piste d'enquête d'un revers de main lors d'une conférence de presse tenue vendredi dernier à Bruxelles. "Qui peut croire à une telle fable?" a-t-il lancé.