Le très eurosceptique président tchèque Vaclav Klaus a lancé une nouvelle offensive contre le Traité de Lisbonne, à la veille d'un sommet européen crucial à Bruxelles pour débloquer le processus de ratification.

Farouche adversaire de ce texte censé faire mieux fonctionner l'Union européenne, il a exigé que le parlement tchèque ratifie un document destiné à convaincre l'Irlande d'organiser un nouveau référendum sur le traité, rejeté lors d'une première consultation en juin 2008.Ce document officialise diverses garanties visant à rassurer l'opinion irlandaise sur la neutralité militaire de l'île, son autonomie fiscale ou l'interdiction de l'avortement. Dublin a aussi obtenu l'assurance de ne pas perdre «son» commissaire européen à Bruxelles.

Le texte des garanties, qui doit être discuté lors du sommet jeudi, constitue un «traité international politique au sens de l'article 49 de la Constitution (tchèque) et en tant que tel requiert l'aval du Parlement» tchèque, a écrit M. Klaus dans une lettre officielle.

Par cette exigence, il marque son opposition à la volonté des dirigeants européens qui cherchent justement à éviter tout nouveau processus de ratification pour ne pas rouvrir le débat très délicat sur ce texte controversé.

Le texte qui sera discuté à Bruxelles prévoit dans sa forme actuelle de présenter ces garanties sous forme de «décision du Conseil» (l'organe des dirigeants de l'UE), ce qui ne nécessite pas de ratification.

Il n'est pas exclu toutefois que la porte reste ouverte à une ratification ultérieure si le traité de Lisbonne se concrétise.

M. Klaus espérait présider le sommet européen dans le cadre de la présidence tchèque de l'UE, qui s'achève fin juin, avant de devoir finalement céder la place à son premier ministre Jan Fischer, au terme d'un bras de fer politique. Mais il n'a pas pour autant baissé les bras.

Ces derniers mois, il a tout fait pour bloquer le processus de ratification parlementaire du traité de Lisbonne dans son pays. Après le récent feu vert des députés et des sénateurs, il a fait savoir qu'il ferait tout pour éviter d'apposer son paraphe final sur le texte qui selon lui menace la souveraineté de son pays.

Ce fin joueur d'échec a attendu le dernier moment pour demander que M. Fischer approuve les garanties à l'Irlande «uniquement sous réserve de ratification» du parlement national et seulement après avoir obtenu «les pleins pouvoirs».

«Toute conclusion sous une autre forme serait en contradiction avec la constitution et je ne pourrais accepter un tel procédé», dit sa lettre datée de mardi.

M. Fischer a récusé cette analyse dans une réponse écrite publiée mercredi et fait savoir par communiqué officiel que la présidence tchèque de l'UE soutiendrait l'adoption de garanties à l'Irlande sous forme de décision et sans ratification.

Le document de garanties «ne représente ni sur le plan formel ni sur le plan matériel un traité international», écrit-il dans sa lettre en évoquant la jurisprudence constitutionnelle tchèque.

Nul besoin, donc, selon lui, de pleins pouvoirs ni de ratification parlementaire. Mais ce point ouvre la porte à un nouveau débat constitutionnel, selon les experts locaux, ce qui pourrait générer de nouveaux retards.

Pour entrer en vigueur, le traité de Lisbonne doit être ratifié par les 27 pays membres de l'UE.

Vu la situation politique en Grande-Bretagne, rouvrir le débat pourrait remettre en cause la ratification dans ce pays et enterrer définitivement ce texte, estiment nombre de dirigeants européens.

Depuis le premier «non» irlandais, M. Klaus considère que «le Traité est mort». Tout aussi eurosceptique, le président polonais Lech Kaczynski conditionne son paraphe du traité, pourtant ratifié par le Parlement de son pays, au choix des Irlandais.