José Manuel Barroso peut se préparer à un second mandat à la Commission européenne, comme Jacques Delors avant lui. Mais contrairement à son prédécesseur, il doit plus cette performance à un pragmatisme poussé à l'extrême qu'à un grand dessein pour l'Europe.

Depuis cinq ans, «il a été un président compétent, consensuel, un bon communicateur mais pas un dirigeant européen particulièrement visionnaire ou dynamique», tranchait récemment le quotidien britannique Financial Times, qui compte pourtant parmi les moins négatifs des grands journaux à son égard.

A 53 ans, ce Portugais volubile aux allures de boxeur à la retraite est passé maître dans l'art de l'évitement des conflits.

Le chef de file des Verts au Parlement européen, Daniel Cohn-Bendit, le traite de «caméléon»: un président qui «change de position au gré du vent», reste prisonnier des intérêts contradictoires des grands Etats et se contente d'une Europe a minima.

Ce polyglotte, père de trois enfants, a déjà changé plusieurs fois de cap.

Membre d'un mouvement maoïste à l'époque de la révolution des Oeillets au Portugal, il vire ensuite sa cuti en entrant à partir de 1980 dans le Parti social-démocrate portugais (centre-droit).

Après plusieurs postes au gouvernement, il accède en 2002 à celui de Premier ministre qu'il n'occupera que deux ans avant d'aller à la surprise générale présider la Commission européenne.

C'est Tony Blair qui pousse alors la candidature de cet atlantiste convaincu -il avait accueilli l'année précédente aux Açores le sommet des chefs de gouvernement de l'UE favorables à la guerre en Irak- après avoir bloqué celle préconisée par Paris et Berlin: le Belge Guy Verhofstadt, jugé trop fédéraliste.

M. Barroso débute à Bruxelles avec un programme ouvertement libéral -il défend notamment la controversée directive Bolkestein sur la libéralisation des services - et en se faisant le chantre d'une Commission modeste: «moins et mieux légiférer».

Mais la crise institutionnelle provoquée par le rejet du projet de Constitution européenne ébranle M. Barroso et infléchit son discours vers plus de social. La crise financière mondiale achèvera de le convaincre de changer son fusil d'épaule.

Pressé par Paris et Berlin qui le jugent trop passif, il se convertit à la régulation des marchés. Pas assez pour ses détracteurs, qui lui reprochent de ne vouloir fâcher personne pour être reconduit.

 «La Commission a tellement peur maintenant des Etats membres et chacun pense tellement à sa réélection que l'on a des propositions qui ne sont pas à la hauteur», dénonçait récemment l'ancien secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet.

L'intéressé s'estime victime d'attaques «dogmatiques». Agacé par les comparaisons avec Jacques Delors, qui bénéficia d'un environnement autrement plus favorable à l'intégration européenne avec François Mitterrand et Helmut Kohl au pouvoir, il fait valoir que les gouvernements de l'UE ne supportent plus aujourd'hui une Commission donnant le «la».

 «Avec les instruments dont nous disposons, nous faisons tout ce qui est possible», dit-il, en reconnaissant ne faire des propositions qu'à condition qu'elles aient de bonnes chances d'être acceptées.

Il revendique aussi un bon bilan sur le climat, avec l'adoption d'ambitieux objectifs européens de réduction des émissions de CO2 malgré la crise économique.

Mais ses adversaires continuent de voir en lui un pis-aller arrangeant des gouvernements soucieux d'éviter la contradiction à Bruxelles.

 «Barroso est tellement faible qu'il sera récompensé par un autre mandat», persiflait avec prémonition fin 2008 l'ex-chef de la diplomatie allemande Joschka Fischer.