Véronique Courjault est-elle un «monstre» sans pitié qui a tué, en cinq ans, trois bébés auxquels elle avait donné naissance à l'insu de son mari avant de brûler ou de congeler leurs corps? Ou s'agit-il d'une femme souffrant de troubles psychiatriques graves, qui a agi de manière inconsciente en raison de «dénis de grossesse» répétés?

Le sort de la mère de famille de 41 ans - qui risque la détention à perpétuité - dépendra de la réponse qu'apporteront les jurés réunis depuis hier à Tours, au centre de la France, pour entendre l'affaire des «bébés congelés».

«Elle a beaucoup de choses à expliquer. Le principal est qu'elle puisse exprimer ses émotions. Aujourd'hui, elle a hâte même si tout cela l'angoisse», a expliqué au cours des derniers jours, dans les médias français, l'une de ses avocates, Hélène Delhommais.

Mme Courjault, en détention préventive depuis deux ans et demi, est apparue fragile et amaigrie lors de la première journée des audiences en cour d'assises, à laquelle assistait son mari, Jean-Louis, ainsi que ses parents.

Arrestation du couple

Ses ennuis avec la justice ont commencé en juillet 2006, lorsque l'ingénieur français, établi avec sa femme et ses deux garçons à Séoul, en Corée du Sud, découvre dans le congélateur de sa résidence les corps de deux nouveau-nés.

En l'absence de sa conjointe, en vacances en France, il contacte les autorités locales qui ouvrent une enquête. Les tests d'ADN coréens concluent que les bébés, morts plusieurs années plus tôt, sont bien ceux du couple.

M. Courjault est sous le choc. Il retourne en France, avec l'autorisation de Séoul, pour retrouver sa femme qui nie être la mère des enfants. Ensemble, ils évoquent une erreur, voire une manipulation, des autorités coréennes lors d'une conférence de presse très courue.

La version prévaut jusqu'au moment où les tests d'ADN pratiqués par les autorités françaises confirment, quelques mois plus tard, les examens pratiqués en Corée du Sud. Et mènent à l'arrestation du couple.

Face aux enquêteurs, Véronique Courjault, femme discrète, apparemment sans histoire, finit par déclarer qu'elle a étouffé les deux bébés après avoir réussi à dissimuler les grossesses à son mari. Et qu'elle a caché les corps dans un congélateur parce qu'elle craignait d'être prise en tentant d'en disposer. Elle avoue aussi avoir tué un troisième bébé né dans des circonstances similaires en 1999, avant de le brûler dans la cheminée de son ancienne résidence.

Les enquêteurs peinent à croire que le mari a pu tout ignorer des grossesses et des actions de sa conjointe, qui est accusé d'homicide aggravé sur trois enfants. Il sera accusé de complicité, avant de bénéficier, en janvier dernier, d'un non-lieu.

«Je ne les sentais pas bouger»

L'ingénieur, qui s'occupe des deux garçons du couple, s'est rapproché de sa conjointe depuis qu'elle est en prison, au point de choisir avec elle des noms symboliques pour les deux nouveau-nés tués à Séoul.

La famille de l'accusée prétend qu'elle a souffert, à plusieurs reprises, d'un «déni de grossesse» qui l'aurait amenée à tuer ses bébés sans réaliser la portée de son geste. «Je ne les sentais pas bouger dans mon ventre... Pour moi, ça n'a jamais été des enfants», aurait-elle notamment confié aux enquêteurs.

Marc-Alain Rozan, un gynécologue-obstétricien de l'Hôpital européen de Paris, qui a travaillé sur le phénomène, affirme que certaines femmes vivent leur grossesse en partie ou en totalité sans réaliser consciemment qu'elles portent un enfant.

«Si le déni se prolonge au-delà de l'accouchement (et que le nouveau-né est tué), on ne peut pas parler d'un acte d'infanticide. La mère ne sait pas ce qu'elle fait», indique-t-il en entrevue.

Les experts psychiatriques ayant examiné Véronique Courjault ont conclu qu'elle était consciente de ses actes et qu'elle pouvait donc faire face à la justice. Le Dr Rozan estime qu'il devrait être question de soins psychiatriques et non de procédures judiciaires. «Le procès ne changera rien. C'est une femme malade», dit-il.