Grave et concentré, le président américain Barack Obama a foulé vendredi «le sol imbibé de sang» de l'ancien camp de concentration nazi de Buchenwald, en Allemagne, guidé par un de ses survivants, le Prix Nobel de la paix Elie Wiesel.

Prenant la parole à l'issue de cette visite de près d'une heure, la chancelière allemande Angela Merkel s'est «inclinée devant toutes les victimes».

«Incompréhension, effroi: il n'y a pas de mot pour décrire ce qui est arrivé de terrible à tant de gens dans ce camp et dans les autres camps de concentration et d'extermination», a ajouté Mme Merkel en réaffirmant avec force la responsabilité particulière de son pays pour prévenir de telles atrocités.

M. Obama a quant à lui à nouveau attaqué les négationnistes, expliquant que «ce lieu (était) le démenti sans appel» de leurs idées.

Il a évoqué son lien personnel avec Buchenwald, son grand-oncle Charlie Payne ayant participé à la libération d'un camp annexe en 1945. M. Payne, 84 ans, devait retrouver son petit-neveu samedi en France pour les cérémonies du 65e anniversaire du débarquement allié en Normandie.

M. Obama a ensuite cédé la parole à son «ami» Elie Wiesel, libéré par l'armée américaine en avril 1945 de ce camp où sont mortes quelque 56 000 personnes.

L'écrivain américain d'origine roumaine, âge de 80 ans, s'est livré à un vibrant plaidoyer pacifiste, pour que le 21e siècle soit celui «du renouveau, de l'espoir infini». Il a remercié le président américain d'être venu en ce lieu où son père était mort quelques mois avant la fin de la guerre.

La visite s'est déroulée sous l'oeil des caméras, mais à distance telle que l'on ne pouvait entendre les conversations. À la demande du président américain, la visite du crématorium s'est faite sans témoins.

Buchenwald, qui a fonctionné de 1937 à 1945, était le coeur d'un complexe de plusieurs camps de concentration où les déportés travaillaient jusqu'à la mort pour Krupp, BMW, AEG ou autres Opel.

Les visiteurs ont déposés chacun une rose blanche sur le monument «à la mémoire de toutes les victimes», dont la température est maintenue à celle du corps humain, 37°C, et sur celui du «petit camp», où Elie Wiesel, adolescent, avait été détenu.

«C'était un mouroir», avait raconté à l'AFP le prix Nobel, déporté en 1944 de son village roumain vers Auschwitz (Pologne), avant d'être forcé à marcher vers Buchenwald.

Durant toute la visite, par un temps gris et froid, M. Obama a semblé surtout écouter les explications de M. Wiesel.

M. Obama était le premier président américain à visiter Buchenwald, un camp encore cerné de miradors et de barbelés, dont la grille d'entrée porte le slogan cynique: «À chacun son dû».

Les 7 km séparant Buchenwald du centre de Weimar étaient totalement interdits à la circulation depuis jeudi soir, mais les habitants paraissaient enchantés de la visite présidentielle. «Il est le premier des Américains, et les Américains étaient les libérateurs», commentait Frank Schoude, 59 ans.

Buchenwald a été construit par les prisonniers sur une idyllique colline boisée de Weimar, un haut lieu de la culture allemande et européenne où ont vécu Goethe et Schiller - une «ironie» soulignée par Mme Merkel et M. Obama.

Ce dernier était arrivé en hélicoptère de Dresde, à 200 km plus à l'est, ville rasée par l'aviation anglo-américaine à la fin de la guerre. Il y avait eu dans la matinée des entretiens avec la chancelière.

«Nous avons pensé qu'il était important que je visite Buchenwald dans le cadre de ce voyage», a-t-il expliqué.

Il a ajouté que cette visite à Buchenwald était une occasion de «célébrer (...) les possibilités de reconciliation, de pardon et d'espoir» qui ont permis à une Europe unifiée et à une Allemagne alliée à Israël «d'émerger de la tragédie».

M. Obama a quitté Buchenwald pour l'hôpital militaire américain de Landstuhl, où sont soignés les GI's blessés en Afghanistan ou en Irak, avant de partir pour la France. Il doit participer samedi aux commémorations du 65e anniversaire du débarquement en Normandie.