À peine commencées, les élections européennes font déjà polémique avec l'annonce dès jeudi soir de la percée d'un parti d'extrême droite aux Pays-Bas, qui renforce les craintes des responsables européens d'une montée des eurosceptiques à ce scrutin.

Les Pays-Bas, qui votaient les premiers jeudi avec le Royaume-Uni, ont annoncé dans la nuit des résultats portant sur 92% des bulletins dépouillés, montrant une percée du parti d'extrême droite islamophobe et antieuropéen du député Geert Wilders.

Il aurait remporté 16,4% des voix, soit la deuxième place derrière les chrétiens-démocrates du premier ministre Jan Peter Balkenende, à 20%.

La Commission européenne - qui avait rappelé la veille que les traités prévoyaient qu'aucun pays membre ne diffuse de résultats avant que le scrutin ne soit clos dans les 27 pays de l'UE dimanche soir - a demandé «des explications» aux Pays-Bas.

«Les événements d'hier soir semblent ne pas respecter l'esprit des élections au Parlement européen», a souligné un porte-parole, appelant à ne pas influencer les électeurs dans d'autres pays.

Il n'a cependant pas voulu dire quelles mesures Bruxelles pourrait prendre s'il se confirmait que La Haye a enfreint les règles européennes.

Au nom du respect des électeurs n'ayant pas encore voté, il a refusé de commenter le bon score enregistré par le parti de Geert Wilders.

«C'est une mauvaise nouvelle pour l'UE, même si ca n'est pas une surprise», a estimé l'analyste Antonio Missiroli, du European Policy Centre.

«Cela confirme les craintes» d'une montée des anti-Européens et des extrêmes, a-t-il indiqué. «Le fait que cela ait été annoncé peut encourager des électeurs dans d'autres pays, qui hésitaient, à voter dans cette direction», a-t-il ajouté.

Au Royaume-Uni, aucun résultat n'a encore été publié, mais la situation a aussi de quoi inquiéter les responsables européens.

Selon un sondage publié jeudi, le parti Travailliste de Gordon Brown ne devrait arriver que troisième voire seulement quatrième, loin derrière les conservateurs à 26% mais aussi derrière le parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP), qui prône la sortie de la Grande-Bretagne de l'UE.

La défaite s'annonce si cuisante que certains responsables du Labour réclament la démission de Gordon Brown, qui s'est borné jusqu'ici à annoncer un remaniement du gouvernement attendu ce vendredi.

Certains responsables européens redoutent les conséquences d'un départ précipité de Brown. Car même si le Labour n'y a pas intérêt, «personne ne peut exclure» que son départ déboucherait sur des élections anticipées, peut-être dès septembre, explique l'analyste Hugo Brady, du Centre pour les réformes européennes à Londres.

Dans ce cas, dit-il, la victoire attendue des conservateurs de David Cameron, qui a appelé à un référendum sur le traité de Lisbonne, pourrait remettre en cause sa ratification en Grande-Bretagne - ce qui constituerait un scénario catastrophe pour l'UE.

En attendant les résultats britanniques, c'était les Irlandais et les Tchèques, dont le gouvernement préside actuellement l'UE, qui votaient vendredi.

Si un vote sanction est attendu contre le gouvernement et sa politique d'austérité en Irlande, les responsables européens espèrent y déceler les signes d'une remontée du sentiment pro-européen avant le deuxième référendum sur le traité de Lisbonne.

Dix-neuf autres pays - y compris la France et l'Allemagne - ne voteront que dimanche pour ce scrutin visant à élire 736 eurodéputés.

Même si des partis extrêmes enregistrent de bons scores, aucun sondage ne prévoit un bouleversement de l'équilibre politique de l'hémicycle européen, qui devrait rester dominé par les conservateurs.