Les pays européens se sont mis d'accord jeudi sur les conditions d'accueil dans l'UE d'ex-détenus de Guantanamo, renonçant à certains de leurs principes de départ afin d'aider Barack Obama à tourner la page des excès de la lutte contre le terrorisme sous l'ère Bush.

Les ministres de l'Intérieur des 27 réunis à Luxembourg ont adopté un compromis donnant des assurances en matière de sécurité aux pays de l'UE qui étaient les plus réservés (Autriche, Allemagne, Italie), a annoncé le commissaire européen en charge de la Sécurité, le Français Jacques Barrot.

Le texte impose à tous les gouvernements acceptant d'accueillir d'anciens détenus de «prendre les mesures appropriées pour éviter qu'ils ne compromettent l'ordre public et la sécurité interne» des autres pays de l'UE.

Le titre de séjour délivré à ces personnes pourra en conséquence être limitatif, a expliqué un responsable européen.

Or, les anciens détenus qui seraient confiés à des pays européens auront été déclarés «innocents» par les autorités américaines.

Ils devraient donc en théorie pouvoir circuler librement au sein de Schengen, l'espace sans frontières intérieures constitué par 25 des 27 pays de l'UE, à l'exception du Royaume-Uni et de l'Irlande, et auquel ont adhéré la Suisse, le Lichtenstein, la Norvège et l'Islande.

«Il faudra peut être prendre des précautions», a concédé Jacques Barrot, le commissaire européen à la Justice et la Sécurité. «Ils seront toujours mieux ici qu'à Guantanamo», a pour sa part commenté le secrétaire d'État espagnol Antonio Camacho.

La France a déjà franchi le pas. L'Algérien Lakhdar Boumediene, accueilli en France après plus de sept ans passés à Guantanamo «ne peut pas quitter le territoire français», a expliqué à l'AFP le ministre de l'immigration Eric Besson.

Avec l'accord de Luxembourg, les ministres de l'Intérieur ont donné le «feu vert» au lancement du processus de prise en charge de certains anciens détenus.

La prochaine étape sera l'adoption d'une déclaration conjointe UE/États-Unis lors d'une réunion des ministres des Affaires étrangères le 15 juin.

«Cette démarche dit la volonté de participer à une lutte contre le terrorisme libérée de toutes les bavures que nous avons dénoncées. C'est fini, il faut tourner la page», a insisté M. Barrot.

Combien d'anciens détenus seront pris en charge par l'UE? «Il est difficile de donner un chiffre, car cette décision relève de chaque gouvernement. Mais je pense que l'on parle de plusieurs douzaines de personnes», a indiqué le ministre de l'Intérieur tchèque Martin Pecina, dont le pays préside l'UE.

Sur les 240 personnes encore détenues à Guantanamo, entre «40 et 60» sont considérées comme des «innocents», mais ne peuvent rentrer dans leurs pays pour des raisons de sécurité, ont expliqué des responsables européens.

La République Tchèque n'en prendra aucun, a réaffirmé M. Pecina. En fait, une poignée seulement de pays de l'UE se sont dits prêts à en héberger: la France, seul État à ce jour à avoir pris en charge l'un de ces prisonniers, le Royaume-Uni, l'Espagne, le Portugal et l'Irlande.

Cette prise en charge sera volontaire. Aucun pays de l'UE n'est forcé d'accepter d'anciens détenus, «mais les Américains peuvent et savent se montrer très persuasifs», ont souligné plusieurs diplomates.

Le ministre allemand Wolfgang Schäuble et son homologue autrichienne Maria Fekter, toujours très réservés, ont mis en demeure les États-Unis de montrer l'exemple et d'accepter de garder certains de ces anciens détenus.

«S'ils ne posent pas de risque il faut expliquer pourquoi ils ne peuvent pas rester aux États-Unis», a dit M. Schäuble.