Le Premier ministre Ioulia Timochenko et le pro-russe Viktor Ianoukovitch, ennemis d'hier, négocient une alliance pour se partager le pouvoir et mettre fin à la crise politique en Ukraine, affirme mardi la presse locale.

«Dès aujourd'hui, Timochenko et Ianoukovitch pourraient partager le pouvoir», écrivait mardi le quotidien Gazeta po-kievski. «La nouvelle union au Parlement est pratiquement créée», lui fait écho le quotidien populaire Komsomolskaïa Pravda.

Le président Viktor Iouchtchenko, héros de la Révolution orange pro-occidentale dont l'étoile n'a cessé de pâlir depuis son élection fin 2004, a lui-même donné corps à la rumeur.

«Je n'exclus pas que les négociations secrètes (...) aboutiront finalement à la création de la coalition», a-t-il déclaré lundi au cours d'une visite au Vatican, selon un communiqué de la présidence.

M. Iouchtchenko, très affaibli par une série de crises politiques et une opinion publique de plus en plus désabusée, est en conflit ouvert avec Mme Timochenko, son ancienne alliée de la Révolution orange.

Selon le quotidien Kommersant, des représentants du Premier ministre et du Parti des régions de M. Ianoukovitch ont reçu pour consigne de faire de la publicité autour de la future union, en attendant une éventuelle confirmation officielle.

«Seule une grande coalition peut unir le pays, apporter les modifications nécessaires à la Constitution (...) sans lesquels il sera impossible de vaincre la crise» économique qui frappe durement l'Ukraine, a déclaré Dmytro Tabatchnik, député du Parti des régions.

Les rivalités sont exacerbées à quelques mois de l'élection présidentielle, pour laquelle M. Ianoukovitch arrive en tête des intentions de vote, devançant de quelques points seulement Mme Timochenko, tandis que le président sortant n'a que très peu de chances d'être réélu.

Les deux principaux prétendants à la présidence «sont fatigués» et «ont peur de perdre l'élection», attendue en janvier prochain, affirme l'influent quotidien en ligne Ukraïnska Pravda.

Leurs partis tenteraient notamment d'introduire une révision de la Constitution afin que le président soit désormais élu par le Parlement et non au suffrage universel, écrit la presse ukrainienne.

Les deux protagonistes écarteraient ainsi M. Iouchtchenko de la scène politique, M. Ianoukovitch devenant le chef de l'Etat et Mme Timochenko conservant le poste de Premier ministre, écrit le quotidien Segodnia proche du Parti des régions.

Pour l'influent hebdomadaire Dzerkalo Tyjnia, tous les deux ont un intérêt objectif à ce scénario, la popularité de Mme Timochenko étant sérieusement entamée par la crise économique et M. Ianoukovitch souffrant de son étiquette pro-russe sur laquelle il risque de trébucher au second tour de la présidentielle.

La réforme prévoit aussi le report à 2014, voire 2015, des législatives prévues en 2012 ainsi que le partage des postes gouvernementaux et parlementaires-clés entre ces deux forces, selon Ukraïnska Pravda.

Pour le journal en ligne, la nouvelle coalition pourrait apporter «plus de stabilité politique et économique» en Ukraine, mais un tel report des élections risque de «passer pour antidémocratique».

M. Ianoukovitch, ex-Premier ministre, a été évincé du pouvoir sous la pression de la rue pendant la Révolution orange. Son Parti des régions fait surtout le plein de voix dans l'est russophone de l'Ukraine et en Crimée.

Mme Timochenko, qui a fait fortune dans le commerce du gaz après la chute de l'URSS, a bâti sa carrière politique grâce à une détermination de fer, doublée d'un certain charisme.