Benoît XVI a terminé hier sa visite d'une semaine en Terre sainte. Bien qu'il ait essayé de jouer à l'équilibriste, il retourne à Rome en laissant derrière lui un chapelet d'insatisfactions. Ses propos sur l'holocauste ont été jugés trop timides, il n'a pas accepté de condamner l'Iran, mais a dénoncé la barrière de sécurité, et a demandé aux Palestiniens de renoncer à la violence.

Son arrivée à Jérusalem, lundi dernier, a finalement été emblématique de son voyage. Sur le tarmac de l'aéroport, il a appelé à l'établissement d'un État palestinien. Puis il a rendu visite à la famille de Gilad Shalit, soldat israélien détenu par le Hamas depuis 2006. Enfin, il a fait au musée de l'holocauste Yad Vashem un discours très attendu, qui a été critiqué parce qu'il n'allait pas assez loin.

 

Benoît XVI a joué une main difficile, cette semaine en Terre sainte. «Le numéro d'équilibriste le plus difficile de sa papauté», a conclu John Allen, le vaticaniste de l'hebdomadaire américain The National Catholic Reporter. Il a esquissé le plan de paix que tout le monde attendait, tout en tendant la main aux musulmans et aux juifs en tant que chef de l'Église catholique. Son objectif principal était d'endiguer l'exode des chrétiens du Moyen-Orient, mais cette communauté en déclin reste divisée au sujet d'Israël: les chrétiens arabes soutiennent les Palestiniens, les orthodoxes et les chrétiens hébreux, l'État juif.

Bref, il était inévitable qu'il déçoive à gauche et à droite. «Le pape se rendait en pèlerinage, il n'était pas en tournée politique, explique Sami Aoun, politologue à l'Université de Sherbrooke. Mais il a réussi à réitérer certains points fondamentaux qui rejoignent beaucoup de gens même s'ils déplaisent à certains. Il a appelé à une solution avec deux États, il a dénoncé le mur et il a demandé aux Palestiniens de ne pas céder à la tentation de la violence. Il a condamné l'«instrumentalisation de la religion». Ce dernier commentaire du pape unit les dimensions politique et spirituelle de son voyage.

Néanmoins, Frank Dimant, vice-président de B'nai Brith Canada, estime que le pape a trop penché du côté palestinien. «Il a réclamé un État palestinien sans même souligner le pacte qui unit Dieu et la terre d'Israël. Il n'a pas condamné l'Iran, qui veut détruire Israël, ni dénoncé le cheik qui a attaqué Israël.»

Lors d'une rencontre à un centre catholique de Jérusalem, le juge en chef palestinien Tayssir Attamimi a réclamé une alliance entre chrétiens et musulmans contre l'État juif. Il avait fait les mêmes remarques en 2000, lors de la visite de Jean-Paul II. Benoît XVI n'a pas dénoncé les propos de M. Attamimi et lui a même serré la main à la fin de la cérémonie - il est possible que personne ne lui ait traduit son discours en direct. Un porte-parole papal a par la suite qualifié la sortie de M. Attamimi: «Une négation directe de ce que le dialogue devrait être».

Quant au discours à Yad Vashem, il aurait dû contenir, selon M. Dimant, des excuses du pape en tant qu'Allemand qui a grandi sous le nazisme qui a même été membre - bien malgré lui - des Jeunesses hitlériennes. Le responsable du B'nai Brith a aussi relevé que le pape n'a pas visité l'exposition du musée, dont une section propose que le pape d'alors, Pie XII, aurait pu s'opposer davantage à l'holocauste. «Le pape a un désir très fort de canoniser Pie XII», déplore M. Dimant.

L'attention portée au discours de Benoît XVI est paradoxalement un signe de normalisation des relations avec Israël, avance le vaticaniste John Allen. Les relations diplomatiques n'existent que depuis 1994 - en 1964, Paul VI avait pris soin de ne jamais faire référence à l'«État» d'Israël et avait appelé son président «monsieur», sans nommer sa fonction. «La simple présence d'un pape à Jérusalem ne fait plus la manchette; on s'intéresse maintenant à ce qu'il dit», relève M. Allen. En éditorial, le quotidien munichois Süddeutsche Zeitung a souligné que, si le pape avait mentionné son appartenance aux Jeunesses hitlériennes à Yad Vashem, cela aurait aussi pu être vu comme une tentative maladroite de justification.