Une crise de confiance se creuse entre les Britanniques et leurs élus depuis vendredi. Le dévoilement des notes de frais douteuses de députés ternit la réputation de toute la classe politique du pays. Même le premier ministre travailliste Gordon Brown a été éclaboussé par cette affaire, le forçant à s'excuser hier «au nom de tous les partis politiques».

Le scandale a éclaté au grand jour vendredi lorsque le quotidien de droite, le Daily Telegraph, a révélé en primeur les dépenses professionnelles que les députés ont tenté de se faire rembourser. Plusieurs ministres semblent avoir fait des déclarations abusives ou avoir exploité le système à leur avantage.

 

Cette histoire a poussé Gordon Brown à exprimer de rares excuses. «Nous avons la responsabilité de prouver que nous sommes là pour servir l'intérêt public et non nos propres intérêts», a-t-il déclaré à une conférence hier matin.

Dans certains cas, des parlementaires ont exigé des remboursements difficilement justifiables. Par exemple, des barres de chocolat, un bouchon de bain, un canapé-lit et... des films pornos. En effet, la ministre de l'Intérieur, Jacqui Smith, avait admis avoir déclaré deux films adultes «par erreur» en mars dernier.

D'autre part, le système de défraiement permet aux députés de déclarer des dépenses pour une seconde résidence, soit dans leur circonscription, soit à Londres. Or, la ministre Hazel Blears a identifié trois propriétés différentes comme résidence secondaire dans une même année.

«C'est une clause qui prête le flanc à des abus, explique le politologue David Jarvis, de l'Université de Cambridge. Des députés ont rénové des maisons aux frais des contribuables puis ont empoché les profits de leur vente.»

Même l'honnêteté de Gordon Brown a été mise en doute. Le premier ministre, qui navigue de crise en crise depuis mars, a versé 11 500$ canadiens en frais de travaux domestiques à son frère Andrew, entre 2004 et 2006.

La belle-soeur de Gordon Brown, Clare, est intervenue hier en expliquant dans le Guardian comment les deux frères se partagent des services de ménage.

Le tollé dans la presse britannique est à son apogée. Un ancien vice-président de la Chambre des communes, Lord Naseby, a même suggéré que la dissolution du Parlement était la seule façon de laver la réputation de ses membres.

Pourtant, tout le monde se défend d'avoir mal agi. Les ministres insistent qu'ils ont respecté les règles du système de remboursement. Un système jugé maintenant désuet par Gordon Brown et le chef de l'opposition, le conservateur David Cameron.

Un organisme indépendant de vérification se penchera sur cette affaire, a promis hier le président de la Chambre des communes, Michael Martin.

Toutefois, le mal semble être fait. Dimanche, le parti de Gordon Brown ne recueillait plus que 23% des intentions de vote, du jamais vu depuis 1943.

Cette crise pourrait bouleverser l'échiquier politique, prédit David Jarvis. «Nul ne sait ce qui va arriver. La grogne des électeurs pourrait donner des ailes aux partis d'extrême droite.»