Le gouvernement britannique, déjà ébranlé par les révélations sur les très généreuses notes de frais de ses ministres, a été éclaboussé par un nouveau scandale lors du week-end de Pâques: il est accusé d'avoir voulu monter une campagne «obscène» pour calomnier l'opposition.

«Smeargate»: la presse britannique se délecte depuis plusieurs jours d'un de ces «gate» qui la passionnent, en référence au scandale du «Watergate» qui avait fait chuter le président américain Richard Nixon en 1974.

Celui-là concerne une campagne visant à calomnier («smear» en anglais) l'opposition conservatrice et qu'avait envisagée de monter un des plus proches conseillers du Premier ministre Gordon Brown, Damian McBride.

Un blog politique des Tories, Guido Fawkes, a révélé des courriels échangés entre M. McBride et Derek Draper, ancien responsable des communications du Labour qui gère actuellement un site de militants travaillistes.

M. McBride y proposait de créer un site pro-Labour, baptisé «Le chiffon rouge», qui aurait lâché dans la blogosphère des rumeurs totalement infondées sur la maladie sexuellement transmissible d'un haut responsable conservateur, sur l'existence de photos d'un autre en sous-vêtements féminins, ou sur la fragilité mentale de l'épouse d'un hiérarque tory.

Les plus importants caciques du parti étaient visés, dont son leader, David Cameron, et son «ministre des Finances» George Osborne.

Face au tollé suscité, M. McBride, qui était porte-parole de Brown jusqu'en octobre, a immédiatement démissionné, tout en minimisant la portée de ses mails qualifiés d'«enfantins».

Le 10, Downing Street, siège du chef du gouvernement, a tenté de déminer le scandale, jurant que «ni le Premier ministre, ni personne d'autre à Downing Street, n'avait eu connaissance de ces mails». «L'opinion du Premier ministre est qu'il n'y a pas de place en politique pour la diffusion ou la publication de ce genre de documents», a ajouté un porte-parole de Brown.

Mais cela n'a pas convaincu les Tories.

Les messages contiennent des propos «obscènes» et «prouvent une opération de diffamation sur le long terme orchestrée par Downing Street», a accusé l'animateur du blog Guido Fawkes, Paul Staines.

Le porte-parole des Tories pour les affaires étrangères, William Hague, a demandé à M. Brown de présenter ses excuses. «C'est survenu au coeur du gouvernement», a-t-il accusé.

Des critiques se sont élevées jusqu'au sein du Labour. Alastair Campbell, ancien responsable des relations presse de l'ex-Premier ministre Tony Blair, s'est dit «atterré». Pour Tom Harris, ancien ministre travailliste des Transports, «les normes de la politique (sont) tombées bien en deçà de l'acceptable».

Le scandale jette une lumière crue sur le petit monde des «spin doctors» (experts en communication) et son «côté sordide», comme l'écrit l'Independent (centre-gauche).

«En arrivant au pouvoir, Gordon Brown avait dit qu'il voulait débarrasser le gouvernement de la culture de la communication» chère à son prédécesseur Tony Blair, rappelle le Guardian, proche des travaillistes.

Quelques jours seulement après le scandale des notes de frais, qui a révélé comment des ministres ont entretenu trois domiciles aux frais du contribuable, voilà le gouvernement Brown à nouveau touché, à environ un an des élections générales.

«La réputation du Labour a souffert», juge un haut responsable du parti, cité par le Guardian.