La Russie, exaspérée de ne pas avoir été associée à un projet européen de modernisation des gazoducs ukrainiens, a menacé vendredi de «diversifier» ses livraisons de gaz vers l'Asie, et dénoncé une nouvelle fois ce projet «irréalisable».

«Il faut accorder de plus en plus d'attention à la diversification», a déclaré le Premier ministre, cité par les agences russes, en recevant le patron du géant gazier russe Gazprom, Alexeï Miller.

«Il faut maintenir nos relations avec la Commission européenne et avec nos collègues européens, nos partenaires ukrainiens», a-t-il toutefois ajouté, soufflant le chaud et le froid.

Gazprom a lui-même agité cette semaine le spectre d'une réorientation de ces exportations, en expliquant vouloir augmenter sa production de gaz naturel liquéfié (GNL) à destination des Etats-Unis et de l'Asie.

Une déclaration commune signée le 23 mars par Kiev et la Commission européenne, qui fixe les conditions d'un soutien financier occidental pour la rénovation du réseau de gazoducs ukrainien, a mis le feu aux poudres.

«Ce document a été conçu sans la participation des principaux acteurs du marché gazier en Europe: la Russie, en tant que fournisseur, et les compagnies européennes, grandes consommatrices de gaz russe», a relevé M. Miller, selon Interfax.

«Nous sommes du même avis, une telle approche rend ce document inopérant. Il n'est en pratique pas possible de le mettre en oeuvre», a-t-il ajouté, après une rencontre jeudi avec les patrons des groupes allemand EON Ruhrgas, italien ENI et français GDF.

Dans un communiqué, M. Miller a qualifié la «signature de cette déclaration, dans le dos de la Russie, d'erreur politique», estimant qu'elle ne faisait que «mettre de l'huile sur le feu alors qu'on vient d'éteindre un conflit gazier» d'une gravité sans précédent en janvier.

Le patron de Gazprom a de nouveau agité le spectre de problèmes de paiement de leur facture gazière par les Ukrainiens, ce qui avait conduit au dernier conflit gazier et à l'interruption d'une partie des livraisons de gaz russe à l'Europe pendant trois semaines.

«Le problème actuel principal de l'Ukraine, c'est de payer le gaz russe livré. Et ce problème va devenir encore plus aigu avec le pompage de gaz dans les réserves souterraines de l'Ukraine», a-t-il souligné, en suggérant aux Ukrainiens de trouver au plus vite des «sources de financement appropriées».

La Russie, dont 80% des livraisons de gaz à destination de l'Europe passent par l'Ukraine, a déjà menacé de revoir ses relations avec l'UE après la signature de la déclaration d'intention, les Européens restant très dépendants du gaz russe.

Gazprom, EON Ruhrgas, ENI et GDF ont décidé de constituer un groupe de travail pour observer le «transit du gaz russe» via l'Ukraine. Leur prochaine rencontre aura lieu au début mai, a précisé Gazprom.