La petite ville autrichienne d'Amstetten, où Josef Fritzl a séquestré et violé durant 24 ans sa fille dans une cave, espère vite retomber dans l'oubli après le procès la semaine prochaine de celui qui lui a valu une infâmante notoriété mondiale.

«Je ne sais pas si cette affaire a nui à Amstetten mais elle a beaucoup nui à ses habitants», explique Günther Pramreiter, le patron du petit café-boulangerie jouxtant la «Maison de l'horreur» sur la Ybbsstrasse.

«Le cirque recommence, les journalistes sont de retour. Pourtant il n'y a plus qu'eux que cette affaire intéresse ici», assure-t-il, en rappelant que le procès se tiendra à 60 km de là, à Sankt-Pölten.

Près d'un an après la découverte des faits, le 26 avril 2008, le grand bâtiment cubique, gris et triste, dans la cave duquel Fritzl, un septuagénaire honorablement connu, avait aménagé son cachot, semble figé dans le temps.

Sur le portail du jardin, littéralement assiégé par des centaines de journalistes du monde entier au printemps dernier, un simple cadenas jaune et une affichette de police défraîchie rappellent que l'accès est interdit. Les autorités locales ont indiqué qu'elles renforceraient la surveillance des lieux à l'approche du procès.

«Amstetten est encore dans l'actualité, mais après le procès ce sera sûrement fini», veut croire Hugo, un habitué de la boulangerie Pramreiter, où l'épouse de Josef Fritzl, partie civile au procès, venait acheter son pain.

Quelques rues plus loin, Doris, 30 ans, a le même souhait: «On a assez parlé d'Amstetten. J'espère qu'avec le procès ce sera fini une fois pour toutes. On en a plein les bottes de cette histoire».

Agacés, la majorité des passants tournent les talons à l'approche d'un représentant des médias: «Les journalistes n'ont pas laissé que des bons souvenirs», rappelle Ewald Hanser, le propriétaire d'un magasin de chaussures. «Avec le procès, on espère qu'il sera enfin clair qu'il n'y a pas de cas Amstetten mais un cas Fritzl», martèle-t-il.

«On espère avoir enfin la paix», renchérit Peter Schachinger, architecte d'intérieur. «Du monde entier, on me demande si je viens "du" Amstetten de Fritzl. Amstetten est une ville super, mais ce n'est pas le genre de notoriété dont elle avait besoin», relève-t-il.

La municipalité s'efforce de dissocier le fait divers des 23.000 habitants de la petite ville, mis en cause par certains médias pour n'avoir pas soupçonné le drame: «Il n'y a pas d'affaire Amstetten mais un crime individuel qui aurait, hélas, pu être commis n'importe où», estime le maire, Herbert Katzengruber, relevant que l'énorme pression médiatique avait été «très éprouvante» pour la cité.

Durant les 24 ans de séquestration de sa fille Elisabeth, Fritzl lui avait fait sept enfants dont l'un est mort en bas âge. L'accusé âgé de 73 ans, qui doit être jugé du 16 au 20 mars à Sankt-Pölten, encourt la prison à perpétuité.

«Nous sommes une communauté où l'on rejette catégoriquement la violence», ajoute le maire, en évoquant la «mer de bougies» que les habitants avaient allumées pour manifester leur solidarité avec les victimes de Fritzl. «La vie a repris son cours à Amstetten. Les gens sont tournés vers l'avenir», assure-t-il.

Désignée en 2006 «commune la plus innovante d'Autriche», Amstetten souhaite que l'on parle à nouveau d'elle comme d'une ville-pilote en matière d'environnement et d'économies d'énergie et plus comme d'un lieu de crime.

Pour Wolfgang, la quarantaine, «ça serait pas mal que le procès permette de tourner la page». «Mais, pour le grand public, je crains qu'Amstetten ne reste toujours associé à Fritzl», ajoute-t-il.

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