Le gouvernement français, c'est confirmé, n'empêchera pas la population de consommer du vin...

«Interdire le vin dans notre pays, c'est impossible et ce n'est pas souhaitable», a expliqué, pour se montrer rassurante, la ministre de la Santé Roselyne Bachelot dans une récente entrevue.

La France et le vin sont tellement indissociables dans l'imaginaire populaire que le fait de voir un politicien évoquer, même pour l'écarter, la possibilité d'une interdiction du populaire produit semble tout simplement surréaliste.

 

Mme Bachelot s'est retrouvée dans cette singulière position en raison de la polémique suscitée par une publication de l'Institut national du cancer (INCA), qui insiste lourdement sur les liens entre consommation d'alcool et cancer.

Une consommation moyenne d'un verre par jour, avance le document cautionné par le ministère, fait augmenter les risques de 9 à 168% pour différents types de cancer. «Le risque augmente avec la quantité globale d'alcool consommé et est significatif dès une consommation moyenne d'un verre par jour», souligne l'organisme qui «déconseille» tout simplement d'en prendre.

Risque de cancer

«Le risque de cancer apparaît dès le premier verre de vin», a tenté de résumer la ministre de la Santé, qui cherche à faire adopter par l'Assemblée nationale une nouvelle loi contenant diverses dispositions pour renforcer la lutte contre l'alcoolisme.

Les déclarations de Mme Bachelot - et son évocation explicite du vin - suscitent l'ire des viticulteurs, qui ne décolèrent pas de voir leur produit ainsi «stigmatisé».

«Chaque fois qu'il est question d'alcool, on montre un verre de vin. Il faudrait prendre une autre image», s'emporte en entrevue le président de l'Association générale de production viticole, Xavier de Volontat, qui voit d'un mauvais oeil le nouveau projet de loi.

Les membres de l'association s'inquiètent en particulier d'une disposition visant à interdire la distribution gratuite d'alcool. Bien que la mesure vise d'abord les soirées «open bars», ils craignent de ne plus pouvoir proposer leurs produits pour dégustation dans des foires ou des salons.

«Les députés qui ne se prononcent pas contre ce projet de loi seront montrés du doigt dans toute la France», prévient M. de Volontat, qui s'offusque des conclusions de l'INCA sur les liens entre cancer et alcool.

«Depuis 20 ans, la consommation de vin en France a diminué de moitié. Et le nombre de cancers a doublé. Il y a visiblement d'autre chose que le vin en jeu», souligne-t-il.

Vin contre médicaments

Michel de Lorgeril, un chercheur du CNRS qui travaille depuis plusieurs années sur les liens entre cancer et alcool, critique aussi vertement les travaux de l'INCA sur son blogue, parlant d'une analyse inspirée d'une revue «très superficielle» des recherches existantes.

Les conclusions négatives de l'Institut reflètent une «idéologie incantatoire» certaine de trouver des relais «aussi niais» dans les médias, critique le scientifique, qui déplore que les auteurs n'aient pas cherché «d'avis divergents».

Les efforts du gouvernement français pour limiter la consommation d'alcool sont décriés par certains critiques comme une dérive «hygiéniste» qui menace les traditions du «pays de Rabelais».

L'un des auteurs d'un ouvrage intitulé In Vino Satanas va jusqu'à soutenir que l'industrie pharmaceutique, de concert avec le corps médical et les pouvoirs publics, «encourage le remplacement du verre de vin qui délasse par les médicaments psychotropes».

La consommation d'alcool ne cesse, quoi qu'il en soit, de diminuer en France, qui est passée du 1er au 6e rang mondial en quelques décennies, selon l'INCA.

La baisse de la demande, en partie compensée par les exportations, est lourdement ressentie par les viticulteurs, qui signalent une baisse de production totale de près de 10 millions d'hectolitres durant cette période.

«Il faut se remuer et se bouger, mais on peut arriver à trouver de nouveaux marchés», estime M. de Volontat, qui se passerait bien des interventions de la ministre de la Santé sur les liens entre vin et cancer.

«On n'a pas besoin de ça», dit-il.