La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a alloué jeudi à Strasbourg une compensation de 2 800 euros à l'islamiste Abou Qatada qui avait, selon elle, été injustement détenu au Royaume-Uni après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.

La Cour octroie par ailleurs des indemnités allant jusqu'à 3 900 euros à dix autres requérants, qui, comme le religieux radical jordanien, étaient soupçonnés de soutenir le réseau terroriste Al-Qaïda et avaient été détenus au Royaume-Uni en vertu de la loi antiterrorisme britannique de décembre 2001. La CEDH précise qu'elle a modéré le montant des indemnisations, considérant que le régime de détention avait été «conçu pour parer à un danger public et dans le souci de concilier la nécessité de protéger la population du Royaume-Uni contre le terrorisme avec l'obligation de ne pas renvoyer les requérants dans des pays où ils seraient exposés à un risque réel de mauvais traitements».

En revanche, elle condamne la discrimination faite par la loi de 2001 entre les citoyens britanniques soupçonnés de terrorisme et les étrangers qui ont été détenus sans inculpation pour une durée indéterminée. Elle stigmatise aussi le fait qu'une partie de la procédure était secrète et que ni les requérants ni leurs avocats ne pouvaient se défendre contre des accusations qui leur étaient cachées.

La ministre britannique de l'Intérieur Jacqui Smith s'est déclarée «très déçue» par l'octroi de compensations: «Cette décision repose sur une législation ancienne que nous avons abrogée il y a presque quatre ans».

«Bien que je sois très déçue par une quelconque compensation, je remarque que la Cour a octroyé des indemnisations substantiellement inférieures à ce que ces hommes avaient demandé, prenant en considération que ces mesures avaient été conçues dans l'urgence publique», a-t-elle ajouté.

Abou Qatada, un temps considéré comme le chef spirituel d'Al-Qaïda en Europe, a fait l'objet mercredi d'une décision de la plus haute instance judiciaire britannique, les «Law Lords», qui ont donné leur feu vert pour son extradition vers la Jordanie, malgré ses craintes d'y être torturé.

Il a été condamné par contumace en Jordanie à deux reprises à 15 ans de travaux forcés pour activités terroristes. Entré dans la clandestinité à l'adoption de la loi antiterroriste de 2001 en Grande-Bretagne, Qatada a été détenu de 2002 à mars 2005, puis à nouveau arrêté en août 2005, après les attentats du 7 juillet à Londres (56 morts).

Les dix autres requérants, non identifiés par la Cour européenne, sont six Algériens, un Français, un Marocain, un Tunisien et un apatride né dans un camp de réfugiés palestiniens.

La Cour européenne a estimé que leur détention arbitraire ne violait pas l'interdiction des traitements inhumains et dégradants mais «l'internement et la détention préventive sans inculpation sont incompatibles avec le droit fondamental à la liberté consacré» par la convention européenne des droits de l'Homme.

Elle a estimé que le droit à la liberté et à la sûreté garanti par la convention avait été violé pour neuf d'entre eux, à l'exception du Français et du Marocain.