Le leader d'extrême droite français Jean-Marie Le Pen, 80 ans, est confronté à une fin de règne difficile à la tête d'un Front national en crise, victime d'une série de défections, et même ses provocations verbales semblent ne plus faire recette.

Jean-Marie Le Pen va se lancer dans la campagne pour les élections européennes de juin, pour lesquelles il est tête de liste dans le sud-est de la France. En 2010, il sera candidat aux régionales, en principe son dernier combat, dit-il lui-même. C'est de Marseille, ce sud-est de la France où il trouva le meilleur soutien à ses thèses, que le vieux leader essaie de sauver son parti du naufrage.

Mais Jean-Marie Le Pen a désormais du mal à capter l'attention.

Plusieurs fois condamné pour des propos racistes ou négationnistes, il a récemment évoqué le jour où le maire de Marseille, ville à forte population d'origine maghrébine, «s'appellera Ben Gaudin», en référence à l'actuel édile Jean-Claude Gaudin (UMP, droite). Seules quelques réactions indignées ont suivi.

«Le plus grand service qu'on pourrait lui rendre, c'est d'en faire une affaire», juge le président de la Ligue des droits de l'Homme, Jean-Pierre Dubois.

Dans un entretien dimanche au journal Le Parisien où il arguait qu'en France l'image du «vieux chef» n'est «pas repoussante», il a tenté un autre registre, y voyant des exemples «de de Gaulle à Pétain», le chef du régime de Vichy condamné en 1945 pour sa collaboration avec les nazis.

Mais la ficelle est usée et le parti d'extrême droite considérablement affaibli par ses échecs électoraux depuis l'élection du président Nicolas Sarkozy.

Le FN a dû faire face en outre ces derniers mois aux départs de plusieurs cadres historiques, sur fond de guerre de succession.

Cible de la fronde, Marine le Pen, que son père a placée en position de favorite en évoquant sa retraite en septembre dernier.

L'écrivain polémiste Alain Soral a été début février la dernière personnalité à quitter le parti, déjà ébranlé par le départ de figures importantes comme les eurodéputés Carl Lang et Jean-Claude Martinez, entrés en dissidence.

La fille de Jean-Marie Le Pen, 40 ans, est accusée d'être responsable des déboires du parti en oeuvrant à une «normalisation médiatique», selon les termes de Carl Lang. «Au moment où Sarkozy a +lepénisé+ son discours, Marine a +délepénisé+ son père», juge l'ancien secrétaire général du FN.

Le Front national, qui ne gère plus aucune municipalité et n'a aucun parlementaire, «s'est vu siphonner l'essentiel de son électorat par Nicolas Sarkozy lors de l'élection présidentielle de 2007», souligne le chercheur Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite.

Un électorat séduit par le discours de fermeté de M. Sarkozy sur des thèmes chers au FN, l'insécurité et l'immigration.

Le parti a ensuite enchaîné des échecs, aux législatives et aux municipales, qui l'ont privé de subventions publiques et ont engendré de graves difficultés financières.

Autrefois seul «sur le créneau de la contestation du système», Le Pen doit par ailleurs affronter la concurrence du leader d'extrême gauche Olivier Besancenot et même du centriste François Bayrou, relève Jean-Yves Camus.

Certains se demandent si Jean-Marie Le Pen se sera pas tenté de revoir ses plans et de se présenter, une sixième fois, à la présidentielle en 2012. «Pour essayer de réunifier l'électorat derrière son nom», suggère Jean-Yves Camus. Il aurait alors 83 ans.