Olivier, 34 ans, qui était détenu à la maison d'arrêt de Laon, dans le nord de la France, s'est enlevé la vie début janvier en ingérant un cocktail médicamenteux fatal.

Le suicide du détenu, mis en examen pour le viol et le meurtre de sa fille de 4 ans, était le premier de l'année dans les établissements carcéraux français. Il a été suivi, en quelques semaines, par plus d'une dizaine d'autres cas, poussant les observateurs du système pénitentiaire hexagonal à lancer un nouveau cri d'alarme.

 

Le nombre de suicides a bondi de près de 20% en un an pour s'établir à 115 en 2008. Et les chiffres pour le début de 2009 laissent présager une autre hausse marquée, souligne le délégué national de l'Observatoire international des prisons (OIP), Patrick Marest, qui dispose d'indicateurs suggérant également une augmentation substantielle du nombre de morts naturelles en milieu carcéral.

Autant d'éléments qui confirment, dit-il, que les prisons françaises, plusieurs fois condamnées par des organisations européennes des droits de l'homme, soumettent les détenus à un quotidien «délétère, mortifère et suicidogène».

Selon l'OIP, le taux de suicide pour 2008 de 17,2 par 10 000 détenus est le plus élevé d'Europe et plus du double de celui de pays comme l'Allemagne et la Grande-Bretagne.

La flambée de suicides observée depuis le début de l'année s'explique en partie, selon M. Marest, par l'introduction de la loi sur la rétention de sûreté, qui doit permettre de détenir des prisonniers jugés dangereux même après l'expiration de leur peine.

«Depuis l'abolition de la peine de mort en 1981, tout condamné avait espoir d'être un jour réhabilité. Avec cette nouvelle loi, on vient de symboliquement refermer cette période-là en envoyant un message très noir aux détenus», souligne M. Marest.

Le porte-parole évoque également la question de la surpopulation carcérale, rappelant que le pays compte 63 000 détenus alors que la capacité officielle des établissements est de 50 000. Certaines maisons d'arrêt détiennent deux fois plus de personnes que prévu, dans des «conditions dégradantes» qui pèsent largement sur l'état d'esprit des détenus.

L'administration pénitentiaire convient de son côté que la situation est «préoccupante» mais refuse de lier la flambée de suicides à des questions «immobilières», c'est-à-dire de manque d'espace.

Son directeur, Claude d'Harcourt, a donné l'ordre aux établissements d'introduire des «mesures de vigilance» afin «d'intensifier la détection du risque suicidaire dans l'ensemble des établissements pénitentiaires».

La moitié des détenus s'étant suicidés depuis le début de l'année disposaient déjà d'une «surveillance accrue», relève M. Marest, qui réclame, au nom de l'OIP, la tenue d'une commission parlementaire pour faire le point sur les causes et les remèdes possibles à la vague de suicides enregistrée dans les prisons.

Le Parti des verts partage le diagnostic de l'organisation et presse les élus français de se saisir de ce dossier «avec détermination».

«Le Parlement ne peut rester inerte devant cette hécatombe. Il ne peut rester passif devant des prisons qui se transforment en mouroirs de la République», souligne dans un communiqué la sénatrice verte Alima Boumediene-Thiery.

La crise survient alors que l'Assemblée nationale doit se pencher sur un projet de loi pénitentiaire. La Garde des Sceaux, Rachida Dati, avait indiqué l'année dernière en le présentant aux médias qu'il permettrait de faire de la prison française un lieu «digne et moderne qui garantit les droits de chacun».

Au dire de M. Marest, le projet à l'étude aura surtout pour effet de permettre à l'administration pénitentiaire d'avoir les coudées franches dans la manière qu'elle traite les détenus. Sans avoir de réel impact sur la «philosophie» sous-jacente.

«On ne peut pas demander à une institution sous le feu des critiques de se réformer elle-même. Tout comme on n'a pas demandé à Louis XIV de rédiger la Déclaration des droits de l'homme», conclut le porte-parole de l'OIP.