La «guerre du gaz» avec la Russie exacerbe la crise politique en Ukraine, où l'opposition pro-russe exige la destitution du président pro-occidental Viktor Iouchtchenko qui a de son côté accusé mardi Moscou de porter atteinte à la souveraineté de son pays.

M. Iouchtchenko a jugé que l'interruption des livraisons de gaz russe à Kiev pour une dette impayée constituait une «attaque» contre l'Ukraine et était «une des méthodes» utilisées dans «la lutte contre son indépendance».

«L'attaque a pour but de mettre en ébullition la vie politique en Ukraine et d'attiser (le mécontentement dans) les régions sensibles de l'est» industriel et pro-russe, qui dépendent des approvisionnements en gaz russe, a déclaré le président ukrainien au cours d'une conférence de presse.

Selon M. Iouchtchenko, Moscou a provoqué la crise et exige une hausse considérable du prix du gaz fourni à l'Ukraine pour prendre possession du système stratégique de gazoducs ukrainiens par lesquels transite 80% du gaz russe destiné à l'Europe.

«On nous dit 'si le gaz est trop cher pour vous, prenez un crédit'», a expliqué M. Iouchtchenko en ajoutant qu'une situation analogue au Bélarus en 2007 avait eu pour conséquence que «plus de 50% des gazoducs (de ce pays) n'appartiennent plus au peuple bélarusse».

Le géant gazier russe Gazprom a acquis en mai 2007 la moitié de la compagnie bélarusse Beltransgaz qui transporte du gaz russe vers l'Europe, à la suite d'un conflit sur le prix du gaz entre Moscou et l'ex-république soviétique du Bélarus, par ailleurs alliés.

«Il faut que chaque personne vivant en Ukraine le comprenne: ce qui s'est passé entre le 1er janvier (date à laquelle Gazprom a cessé d'approvisionner l'Ukraine en gaz, ndlr) et maintenant, ce n'est pas du chantage à l'encontre de notre État, c'est du chantage à l'encontre de chacun d'entre vous», a conclu M. Iouchtchenko.

Ces déclarations interviennent après un débat houleux mardi au Parlement ukrainien sur la crise gazière au cours duquel l'opposition pro-russe a exigé la démission du gouvernement et le déclenchement de la procédure de destitution du président.

«Le pouvoir incompétent et aventuriste aggrave les problèmes» du pays et «il existe une menace pour la sécurité nationale», a déclaré l'ancien premier ministre et chef de file de l'opposition pro-russe Viktor Ianoukovitch.

«Nous exigeons (...) une démission immédiate du gouvernement et le lancement de la procédure de destitution du président», a-t-il dit, proposant d'inclure dans le prochain ordre du jour du parlement jeudi un projet de résolution sur la démission du gouvernement.

Le dirigeant communiste Petro Simonenko s'est également prononcé pour le «début du processus de destitution» de Viktor Iouchtchenko et pour l'ouverture d'une enquête criminelle» contre lui.

«En pleine crise politique et économique, le pouvoir a laissé l'Ukraine sans gaz et sans perspectives, l'Ukraine est en train de perdre son statut d'État de transit», a déploré M. Ianoukovitch, adversaire de M. Iouchtchenko à la présidentielle de 2004.

Porté au pouvoir cette année-là par la «révolution orange», M. Iouchtchenko est désormais au plus bas dans les enquêtes d'opinion, sur fond de conflits incessants avec son premier ministre et ex-alliée Ioulia Timochenko et d'aggravation de la crise économique.

Sa cote de popularité est devenue insignifiante et seuls 2,4% des Ukrainiens seraient prêts à voter pour lui si l'élection avait eu lieu en décembre, selon une enquête publiée lundi par l'organisation Initiatives démocratiques (soutenue par le gouvernement suédois) réalisé entre les 17 et 28 décembre.

M. Ianoukovitch et Mme Timochenko, considérés comme M. Iouchtchenko comme des candidats potentiels à la présidentielle fin 2009-début 2010, recueillent respectivement 22,3 et 13,9% des intentions de vote, selon ce sondage.