L'Irlande, forte d'un compromis scellé avec ses partenaires européens, se prépare à un nouveau référendum l'an prochain sur le traité de Lisbonne mais le gouvernement va avoir fort à faire face à un camp du «non» plus que jamais mobilisé.

L'accord scellé vendredi lors du sommet de l'UE à Bruxelles prévoit que Dublin renvoie ses électeurs devant les urnes d'ici novembre 2009. Ils avaient rejeté en juin le texte, censé faire mieux fonctionner l'UE à 27 pays, lors d'un premier référendum.En échange, l'Irlande a obtenu plusieurs garanties: le maintien de son commissaire à Bruxelles -qui risquait de disparaître après 2014-, ainsi que l'assurance que sa neutralité militaire, son autonomie fiscale et l'interdiction de l'avortement ne seront pas remises en cause par le traité.

Dans ces conditions, «j'ai dit que je serais prêt à revenir devant l'opinion avec un nouveau paquet afin de chercher à obtenir son approbation», a affirmé vendredi le premier ministre irlandais Brian Cowen.

«Aujourd'hui, nous avons la preuve manifeste que l'Union européenne est prête à répondre» aux attentes de la population irlandaise, a-t-il ajouté.

Pourtant, un sondage réalisé mi-novembre invite à la prudence: même avec les garanties concédées jeudi au sommet européen, les Irlandais ne seraient que 43% à voter «oui», contre 39% «non».

En outre, les opposants au traité accusent déjà Dublin de traiter les électeurs par le mépris en cherchant à imposer un texte pour la deuxième fois. Comme pour le traité de Nice en 2002.

L'accord de Bruxelles «est une farce qui non seulement ne s'attaque pas aux raisons pour lesquelles les gens ont rejeté le traité, mais qui représente un ensemble de propositions cherchant délibérément à arnaquer le peuple irlandais», a dénoncé vendredi le parti nationaliste irlandais Sinn Fein, opposé au traité.

L'autre formation fer de la lance du camp «noniste» en Irlande, le mouvement Libertas, est déjà en campagne. Il a lancé cette semaine un parti eurosceptique pan-européen à Bruxelles, en vue des élections européennes de juin 2009.

En promettant un nouveau référendum, «le gouvernement irlandais et la puissante élite bruxelloise font preuve d'un mépris total pour la décision démocratique du peuple irlandais qui a rejeté le traité de Lisbonne», a tempêté le fondateur de ce mouvement, le millionnaire Declan Ganley.

Les opposants irlandais au traité pourront compter l'an prochain sur le soutien du très eurosceptique président tchèque Vaclav Klaus. Il a déjà causé un vif incident diplomatique avec Dublin sur le traité le mois dernier en venant soutenir M. Ganley.

Il a encore jeté de l'huile sur le feu vendredi en contestant les concessions faites à l'Irlande pour parvenir à un nouveau vote. «Ce n'est pas bon», a-t-il dit.

Dublin devra aussi organiser un nouveau référendum dans un contexte peu favorable de crise économique qui affaiblit la popularité du gouvernement.

Les partisans du traité assurent que cela favorisera paradoxalement le camp du «oui».

«Avec la crise, j'espère que les Irlandais comprendront combien on a besoin d'Europe» et de ses mécanismes de solidarité ou de protection, a estimé vendredi le chef de l'Etat français Nicolas Sarkozy.

«Les gens qui ont voté non en juin referont de même la prochaine fois. En revanche, on peut penser que les pro-européens qui ne se sont pas déplacés en juin se mobiliseront» pour éviter que l'île ne s'isole en Europe, dit un responsable français.

Si L'Irlande est le seul pays contraint par sa constitution à passer par un référendum pour le traité de Lisbonne, elle n'est pas la seule à ne l'avoir pas encore ratifié. Le Parlement tchèque ne doit l'examiner qu'en février.