Le Parti démocrate, qui était jusqu'ici le principal parti d'opposition en Thaïlande, a demandé lundi la convocation du Parlement pour proposer son leader, Abhisit Vejjajiva, au poste de Premier ministre alors que les partisans de Thaksin Shinawatra n'ont pas jeté l'éponge.

Samedi, le Parti démocrate avait annoncé qu'il avait conclu un accord avec des responsables de quatre formations autrefois alliées à l'ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra et qu'il serait en mesure de former une nouvelle coalition gouvernementale.«Le nom qui sera proposé pour le poste de Premier ministre sera celui d'Abhisit,» a déclaré lundi à l'AFP Sathit Wongnongtoey, haut responsable démocrate.

Le secrétaire général du parti, Suthep Tuagsuban, a affirmé que la nouvelle coalition pourrait contrôler jusqu'à 260 des 447 sièges à la chambre basse du Parlement, après la défection de députés de formations précédemment pro-Thaksin et d'une petite faction de l'ancien parti au pouvoir.

Le président du Parlement, Chai Chidchob, a confirmé avoir reçu une lettre signée par 242 députés demandant la convocation d'une session extraordinaire, mais a précisé que la procédure pourrait prendre au moins trois jours avant de recevoir un assentiment royal. D'autres élus ont estimé que la session s'ouvrirait au plus tôt vendredi.

Abhisit Vejjajiva, 44 ans, homme politique de Bangkok qui a suivi des études à Oxford, était jusqu'ici le principal leader d'opposition en Thaïlande. «Le Parti démocrate est persuadé qu'il pourra former le gouvernement, même s'il y a des pressions sur des députés qui (nous) soutiennent», a-t-il assuré.

Sa nomination comme candidat au poste de Premier ministre fait suite à l'occupation par des manifestants royalistes des aéroports de Bangkok entre le 25 novembre et le 3 décembre et à la dissolution du parti pro-Thaksin au pouvoir, sur ordre de la Cour constitutionnelle.

Le Parti démocrate, influent dans la capitale et dans le sud, est la plus vieille formation politique de Thaïlande (62 ans d'existence). Il a toujours maintenu des liens étroits avec l'establishment conservateur de Bangkok, que ce soit dans l'armée, dans l'administration ou au palais royal.

Les lieutenants de M. Thaksin ont qualifié de «coup d'Etat déguisé» l'ordre de dissolution du Parti du pouvoir du peuple (PPP) prononcé le 2 décembre et qui a déstabilisé la coalition gouvernementale alors que l'armée refusait de déloger les manifestants royalistes dans les aéroports.

Le PPP (pro-Thaksin) avait largement remporté en décembre 2007 des élections législatives qui avaient mis fin à quinze mois d'administration militaire.

M. Thaksin, homme d'affaires de 59 ans, avait été renversé en septembre 2006 par des généraux légitimistes. Accusé de corruption, il vit en exil mais reste très populaire dans les campagnes et parmi les couches défavorisées, en particulier dans le nord de la Thaïlande.

Les députés du PPP ayant survécu au verdict de la Cour constitutionnelle --ils seraient au moins 180-- se sont regroupés au sein d'un parti, le Puea Thai. «Notre mission urgente est de former un gouvernement issu d'élections», a déclaré Yongyuth Vichaidit après sa désignation dimanche comme leader de la nouvelle formation pro-Thaksin.

Lundi, un de ses adjoints, Vittaya Buranasiri, a répété que le Puea Thai n'avait pas jeté l'éponge. «Tout s'éclaircira lorsque les députés annonceront au Parlement pour qui ils votent», a-t-il dit, laissant entendre que des tractations se poursuivent.

Un porte-parole militaire a nié que le chef de l'armée, le général Anupong Paojinda, ait joué le moindre rôle dans le retournement politique du week-end, favorable au Parti démocrate.

«Plusieurs personnalités politiques ont parlé» avec le général Anupong mais celui-ci a réaffirmé que «l'armée n'interviendrait pas en politique», a assuré ce porte-parole, le colonel Sunsern Kaewkumnerd.