Depuis la proclamation officielle de l'élection de Martine Aubry à la tête du Parti socialiste, les analystes se divisent à propos de Ségolène Royal. Faut-il retenir essentiellement qu'elle a échoué à s'emparer du parti? Ou bien au contraire qu'à elle seule, contre tous les pronostiqueurs et la quasi-totalité des barons du PS, elle a réuni sur son nom 50% des voix des militants inscrits?

La principale intéressée, on pouvait s'en douter, a opté pour la seconde version des faits. Il faut dire que, le 6 mai 2007, au soir de la présidentielle, elle avait réussi à présenter comme un exploit victorieux ses 46,9% des voix. Alors qu'il s'agissait du plus mauvais résultat obtenu par un candidat de la gauche au second tour depuis plus de 30 ans.

C'est donc avec un sourire éclatant et entourée de quelques fidèles qu'elle est ressortie, mercredi après-midi, de son entretien d'une heure avec Martine Aubry, alors qu'entre les deux femmes, le sentiment est plutôt à la haine tranquille depuis plusieurs années. Et la bataille récente n'a rien arrangé. Mais qu'à cela ne tienne.

«On n'a pas enterré la hache de guerre, parce qu'elle n'avait jamais été déterrée», a déclaré avec aplomb la présidente de Poitou-Charentes, ajoutant qu'elle soutiendrait la nouvelle direction chaque fois que les décisions iraient «dans le sens de la rénovation». Et que dans le cas contraire, elle essaierait de «convaincre». Oubliées la revendication d'un nouveau scrutin interne ou les menaces de recours devant les tribunaux pour «fraude».

Mais, quelques heures plus tôt, la même Ségolène Royal diffusait un message vidéo sur le site internet de son association Désirs d'avenir. Déjà tournée la page de Reims et de la bataille pour la direction. Sans citer une seule fois le nom de Martine Aubry, elle annonçait «des actions, des réflexions, des fêtes de la fraternité». Avant de terminer sur une quasi-déclaration de candidature à la présidentielle: «2012 c'est bientôt, 2012 c'est demain». Le tout sur un ton très guilleret.

D'un côté, Ségolène a effectivement de quoi se réjouir. On la donnait quasiment pour morte en septembre dernier, avec tout au plus 20% des voix à Reims, loin derrière Delanoë. Elle est arrivée largement en tête. Puis la quasi-totalité des barons du parti se sont ligués contre elle en s'appuyant - théoriquement - sur 71% des voix des militants. Elle est finalement remontée à 50% au dernier tour. Un exploit indéniable.

Il n'en reste pas moins qu'elle visait le contrôle du parti et qu'elle a échoué. Quels que soient les petits arrangements de surface, la nouvelle direction mise en place par Aubry se composera d'ennemis déclarés, qui ont pour objectif commun de faire barrage à une nouvelle candidature Royal pour 2012 - parce qu'ils la jugent imprévisible et souvent incohérente.

«Bien sûr, explique le politologue Jérôme Jaffré, elle a l'avantage, forte de ses 50% de militants, de garder les mains libres pour s'exprimer, un pied à l'intérieur, un autre à l'extérieur du parti. Mais les projets de «rénovation» qu'elle défendait pour faciliter sa candidature en 2012 ne seront jamais adoptés. Et cette fois, tout l'appareil du parti travaillera contre sa candidature. Avec des chances de succès.»