L'arrestation du chef militaire présumé de l'ETA, «Txeroki», pourrait affaiblir l'aile dure du groupe armé dont il était le principal représentant, surtout face à «l'énorme frustration» causée par la rupture de la dernière trêve, estiment lundi plusieurs spécialistes.

Considéré comme un radical, Miguel de Garikoitz Aspiazu Rubina, alias «Txeroki», arrêté dans la nuit de dimanche à lundi à Cauterets (sud-ouest de la France) est soupçonné d'avoir commandité l'attentat de l'aéroport de Madrid qui, en décembre 2006, avait mis un terme brutal au processus de paix basque.

Cette action à la fourgonnette piégée qui avait fait deux morts, avait pris de court le gouvernement socialiste espagnol qui menait des négociations avec l'organisation clandestine pour trouver une issue négociée au «conflit basque» tandis que l'ETA observait officiellement depuis mars 2006 un «cessez-le-feu permanent».

«Dans la mesure où Txeroki représentait la ligne dure et était le chef d'une nouvelle génération très radicalisée, cette ligne perd du crédit et cela fortifie d'autres secteurs», estime Alberto Surio, spécialiste de l'ETA pour le journal régional Diario Vasco.

«Il faut être prudent dans l'évaluation des conséquences mais il ne faut pas oublier que la rupture du processus de paix par le secteur dur de l'ETA avait créé une énorme frustration dans la mouvance indépendantiste et même au sein de l'ETA elle-même», ajoute l'expert.

«Il y a un secteur politique de l'ETA qui n'a toujours pas compris pourquoi le processus de paix a été rompu et qui voudrait changer de stratégie» et cette arrestation «va ouvrir pour le moins une période de débat interne», poursuit le spécialiste.

Pour Florencio Dominguez, autre spécialiste de l'ETA et rédacteur en chef de l'agence Vasco Press, cette arrestation va obliger le groupe armé à «réfléchir» mais cela ne devrait pas changer du jour au lendemain la ligne actuelle qui reste définie de manière «collégiale».

D'ailleurs, ce sont deux «durs» qui pourraient remplacer «Txeroki»: Aitzol Iriondo, «Gurbitz», chef présumé de la branche «logistique» ou Jurdan Martitegui, membre supposé du plus actif des commandos de l'ETA, le commando «Biscaye» partiellement démantelé en juillet après une série de puissants attentats, selon M. Dominguez.

Le groupe armé avait conduit l'été passé une réflexion interne avec un «processus d'assemblées» qui a conclu à la poursuite de la lutte armée et de l'actuelle campagne d'attentats qui a provoqué la mort de cinq personnes depuis la fin officielle de la trêve en juin 2007, soulignent les deux spécialistes.

La poursuite de la violence de l'ETA rend aujourd'hui impossible l'émergence d'un «pôle souverainiste» au Pays Basque qui se poserait en alternative politique face au Parti nationaliste basque (PNV, centre-droit) qui dirige depuis plus de 25 ans la région autonome, relève M. Surio.

Allié traditionnel du PNV, le parti nationaliste basque de gauche Eusko Alkartasuna (EA) a récemment lancé, dans la perspective des élections régionales basques de mars 2009, un appel du pied aux indépendantistes radicaux, leur demandant de se distancier de la violence, afin de créer un «grand mouvement souverainiste» de gauche.

Mais les liens entre «la gauche indépendantiste radicale» et l'ETA demeurent très forts voire «symbiotiques» et le signal de la fin de la violence ne pourra venir que du groupe armé lui-même, souligne M. Surio.

«Ce n'est pas la gauche indépendantiste qui demandera à l'ETA d'arrêter les bombes ou qui rompra les amarres. Cela viendra d'une réflexion interne de l'ETA, le jour où l'organisation sentira la défaite proche», conclut ce spécialiste.