La Cour de cassation italienne a levé le dernier obstacle juridique à l'arrêt de l'alimentation artificielle d'une femme de 37 ans dans le coma depuis 1992, une décision condamnée d'avance par la puissante Eglise catholique qui y voit «un assassinat».

La plus haute juridiction a rejeté comme irrecevable un recours déposé par le parquet de Milan (nord) contre l'autorisation accordée le 9 juillet par la cour d'appel de cesser l'alimentation et l'hydratation artificielles d'Eluana Englaro.

Cette décision est «un fait gravissime sur les plans éthique et moral car on envoie une jeune fille à la mort», a réagi sur Radio Vatican le président de l'académie pontificale pour la vie, Mgr Rino Fisichella. Il a immédiatement réclamé une loi qui empêche «toute euthanasie active ou passive en Italie»

Le père de la jeune femme demande depuis des années que sa fille, dans un coma végétatif depuis un accident de voiture en 1992 et hospitalisée dans une institution religieuse, cesse d'être maintenue en vie artificiellement. Il assure qu'Eluana ne l'aurait pas voulu.

La décision de la cour de cassation «est la confirmation que nous vivons dans un Etat de droit», s'est-il félicité jeudi soir.

«Je crois qu'il n'y a maintenant plus de problème» pour qu'Eluana soit transférée dans une structure acceptant la cessation des soins, a estimé l'avocate défendant les intérêts de la jeune femme, Franca Alessio.

Les religieuses de la clinique Beato Talamini di Leuco, près de Milan, qui hébergent la jeune femme, se sont par le passé prononcées contre son transfert dans un autre établissement, assurant qu'elles se chargeraient d'elle jusqu'au bout.

Pour l'Eglise catholique, l'alimentation et l'hydratation artificielles ne sont pas de l'acharnement thérapeutique, leur interruption étant au contraire assimilée à un assassinat.

Mardi encore, le «ministre de la Santé» du Vatican, le cardinal Javier Lopez Barragan, avait considéré qu'un arrêt des soins à Eluana serait «une monstruosité inhumaine et un assassinat».

Cette position a trouvé un écho au parlement italien et dans la région de Milan, la Lombardie, dominés l'un et l'autre par la droite, compliquant l'issue juridique de l'affaire.

Ainsi, après l'autorisation donnée le 9 juillet à l'arrêt des soins par la cour d'appel de Milan, la Chambre des députés et le Sénat avaient évoqué un conflit de compétence avec la justice, faisant valoir leur intention de légiférer sur le sujet. Leur recours avait été rejeté par la Cour constitutionnelle le 8 octobre.

Quant à la Lombardie, présidée par le catholique conservateur Roberto Formigoni, elle a refusé d'indiquer à la famille d'Eluana un établissement acceptant d'appliquer la décision de justice.

Le secrétaire d'Etat à l'Intérieur Alfredo Mantovano a accusé jeudi «une partie de la magistrature» d'introduire «une forme voilée d'euthanasie plutôt que de protéger la vie humaine».

«La décision de la cour de cassation prouve qu'il faut une bonne loi pour combler un vide législatif», a réagi Rosy Bindi, membre du Parti démocrate (opposition) et vice-présidente de la Chambre des députés.

«Eluana ne souffrira pas car elle n'éprouve aucune sensation», a déclaré l'anesthésiste Mario Riccio. Il a précisé que la mort pourrait survenir «en 15 ou 20 jours».

Mario Riccio est le médecin qui a débranché en décembre 2006 le respirateur de Piergiorgio Welby, un Romain de 60 ans paralysé par une dystrophie musculaire, mais conscient, et qui réclamait le droit de mourir. L'Eglise catholique lui avait refusé un enterrement religieux.