Le Royaume-Uni enquête sur la façon dont a été traité un ancien résident britannique détenu dans le camp américain de Guantanamo, qui affirme avoir été torturé, a annoncé vendredi une porte-parole du ministère britannique de l'Intérieur.

Binyam Mohamed, 30 ans, un Ethiopien ayant obtenu le droit de résider au Royaume-Uni, a été fait prisonnier au Pakistan en 2002 et est incarcéré depuis 2004 sur la base américaine à Cuba. Il est le dernier détenu à Guantanamo qui dispose du droit de rentrer en Grande-Bretagne.

Il a obtenu fin août un jugement de la Haute cour de Londres obligeant les autorités britanniques à rendre publics des documents qui, selon lui, prouvent que ses aveux ont été obtenus sous la torture.

«La ministre de l'Intérieur (Jacqui Smith) a demandé à l'Attorney General (principal conseiller juridique du gouvernement, ndlr) d'examiner des problèmes entourant cette affaire et nous allons attendre le résultat de cette procédure», a dit vendredi à l'AFP une porte-parole du Home office, sans autres précisions.

Dans un courrier adressé mardi aux juges de la Haute cour, le département de l'Attorney General a expliqué avoir reçu mission d'examiner les «éventuelles actions criminelles que les procédures en justice ont révélées».

Binyam Mohamed a affirmé avoir été maintenu en isolement et sans accès à un avocat pendant plus de deux ans et demi. Il a déclaré avoir été transporté secrètement au Maroc où il a été torturé, puis transféré en Afghanistan et enfin à Cuba.

Selon le quotidien britannique The Guardian, Jacqui Smith a transmis des documents publics et classés à l'Attorney General, la baronne Patricia Scotland of Asthal, sur l'implication des services de renseignement britanniques MI5 et américains CIA dans cette affaire.

«C'est une reconnaissance bienvenue (du fait) que la CIA ne peut transférer sans conséquences des résidents britanniques vers des chambres de torture secrètes, et que les agents britanniques ne peuvent pas prendre part aux crimes américains sans avoir à en subir les retombées», a relevé Clive Stafford-Smith, directeur de l'organisation Reprieve, qui représente plusieurs détenus du camp, dont Binyam Mohamed.

Le Département de la Justice américain a annoncé mi-octobre l'abandon de l'essentiel des charges retenues contre M. Mohamed, qui avait été inculpé fin mai pour avoir envisagé un attentat à la bombe radiologique ou «bombe sale» contre les Etats-Unis. Mais il devrait être de nouveau inculpé après l'élection présidentielle américaine du 4 novembre, avait fait savoir M. Stafford-Smith.