Le gouvernement français a avalisé mercredi la suppression de la publicité à la télévision publique, dans le cadre d'une vaste réforme de l'audiovisuel suscitant la colère de l'opposition qui y voit une volonté de reprise en main par le président Nicolas Sarkozy.

Annoncée sans préavis il y a un an par le chef de l'Etat, cette réforme a suscité de vifs débats sur le financement et l'indépendance de la télévision publique, et donné lieu à des passes d'armes entre M. Sarkozy et l'actuel président de France Télévisions, Patrick de Carolis.

Nicolas Sarkozy avait justifié cette réforme au nom de la «qualité du service public», qui «ne peut pas fonctionner selon des critères purement mercantiles».

Le projet, dont l'adoption a été annoncée mercredi par la ministre de la Culture et de la Communication Christine Albanel, prévoit la suppression par étapes de la publicité à partir de 2009, son interruption définitive étant programmée pour fin 2011.

Pour compenser le manque à gagner, le gouvernement garantit à France Télévisions 450 millions d'euros, issus d'une taxe de 3% sur les recettes publicitaires des chaînes privées et d'une taxe de 0,9% sur le chiffre d'affaires des opérateurs de télécommunications. La redevance audiovisuelle (116 euros actuellement) doit par ailleurs être indexée sur l'inflation.

Un mode de financement qui a fait grincer des dents: l'opposition a dénoncé le «cadeau» fait aux chaînes privées, dont la plus importante, TF1, appartient à un ami du président, Martin Bouygues. Les deux principales chaînes privées, TF1 et M6, devraient bénéficier de l'accroissement de leurs recettes publicitaires.

La réforme fait également de France Télévisions (cinq chaînes) une entreprise unique, suscitant l'inquiétude de certains journalistes du service public qui craignent une atteinte au pluralisme.

Mais la mesure qui a provoqué le débat le plus vif concerne la nomination du président de France Télévisions.

A la demande de Nicolas Sarkozy, il sera nommé pour 5 ans par le gouvernement, après avis conforme du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA, autorité de contrôle), et des commissions parlementaires compétentes.

Jusqu'à présent, le président de France Télévisions était nommé par le CSA. Le fait que cette prérogative revienne directement au pouvoir a été interprétée comme une volonté de mainmise et de reprise en main par l'opposition socialiste et par certains syndicats.

«La loi ne met nullement un terme au mandat des présidents. Patrick de Carolis (actuel président de France Télévisions, ndlr) poursuit son mandat et mènera la réforme», a précisé Mme Albanel à la sortie du Conseil des ministres.

M. de Carolis avait marqué son désaccord avec la réforme de l'audiovisuel public, auquel il s'était ouvertement opposé mettant implicitement sa démission dans la balance. Il avait été jusqu'à qualifier de «stupides» des propos présidentiels sur la qualité des programmes de France Télévisions.

«En privant les chaînes publiques de publicité, donc de ressources extérieures, on met ces chaînes publiques dans la main de l'Etat, ce qui n'est pas bon sur le plan politique et n'est pas tout à fait rassurant sur le plan financier», a estimé de son côté le chef de l'opposition socialiste François Hollande.

Le cahier des charges de la nouvelle télévision publique mettra l'accent sur les programmes, avec la diffusion renforcée de fictions françaises et de programmes éducatifs, a déjà indiqué la ministre de la Culture.