Plusieurs mouvements sociaux se sont produits ces derniers jours au Kosovo où la liesse qui a suivi l'indépendance a laissé la place à l'inquiétude de la population devant des conditions économiques très précaires.

Dans ses locaux modestes de Pristina, Skender Begolli, radiologue, a rapidement fait ses comptes: «même avec une hausse de salaire de 50%, mon salaire, après 26 d'expérience, dépassera à peine 250 euros».

Son supérieur, explique-t-il, un médecin avec 30 ans d'expérience, ne gagne pas plus de 220 euros à l'heure actuelle», en dépit des gardes de nuit et les urgences.

Skender Begolli fait partie des quelque 7.000 membres du personnel hospitalier et médical qui ont observé cette semaine une grève de deux jours au Kosovo pour réclamer une amélioration de leurs conditions salariales. Seules les urgences étaient assurées.

«Les gens se tournent vers les questions sociales, considérant que celles concernant le statut (l'indépendance) sont réglées», commente un fonctionnaire international à Pristina.

Le Kosovo a proclamé son indépendance de la Serbie le 17 février, jamais reconnue par Belgrade.

Ces questions sociales et de hausse du niveau de vie «présentent un défi pour le gouvernement et celui ci doit montrer qu'il est capable d'y faire face», poursuit ce fonctionnaire.

Le Kosovo figure parmi les pays les plus pauvres d'Europe, avec plus de la moitié de ses deux millions d'habitants vivant dans la pauvreté. Le taux de chômage s'élève à 45-50% de la population active.

Le produit national brut par tête d'habitant s'élève à 1.800 dollars, tandis que son économie dépend pour beaucoup de l'aide étrangère.

Les donateurs internationaux, pour la plupart les pays membres de l'UE, se sont engagés en juillet à hauteur de 1,2 milliard d'euros pour aider à la remise en état de l'économie du Kosovo.

Mais pour Safet Gerxhaliu, de la Chambre de commerce du Kosovo, le gouvernement de Pristina doit rapidement «attirer les investissements étrangers» et ne pas compter exclusivement sur les aides étrangères pour relancer l'économie.

«Le gouvernement devrait s'inquiéter bien davantage... Il n'y a pas de stabilité politique sans développement économique», ajoute-t-il.

Les mouvements sociaux représentent «manifestement un grand défi» pour les autorités kosovares, reconnaît devant l'AFP le représentant spécial de l'UE pour le Kosovo, Pieter Feith.

«A bien des égards, nous sommes satisfaits de certaines des mesures qui ont été prises, mais il reste beaucoup plus à faire», poursuit-il.

Pour l'instant, le gouvernement kosovar s'est efforcé de répondre partiellement aux revendications salariales de la population.

Les personnels de santé en grève cette semaine ont accepté une hausse salariale de 44 euros, la même somme qui avait été promise aux quelque 6.500 policiers qui avaient menacé de faire grève la semaine dernière.

Et le syndicat des personnels de l'enseignement ont accepté de suspendre leur mouvement avant le début de l'année scolaire en septembre, après avoir obtenu une hausse également de 44 euros.

Les quelque 10.000 fonctionnaires ont enfin averti qu'ils arrêteraient le travail en novembre si le gouvernement ne répondait pas à leurs revendications salariales.

Le Premier ministre kosovar, Hashim Thaçi, a assuré jeudi que son gouvernement se consacrerait aux problèmes économiques et qu'il avancerait «très bientôt» des propositions pour l'ensemble des fonctionnaires. Il a promis des «mesures réformistes adéquates».

«Le Kosovo a connu l'euphorie avec l'indépendance, mais on ne peut vivre d'euphorie», estime Safet Gerxhaliu.