Les dirigeants chypriotes grec et turc ont décidé vendredi matin lors d'une réunion à Nicosie d'accélérer le rythme des négociations en vue de la réunification de leur île, qui patinent malgré l'enthousiasme affiché lors de leur lancement en septembre, a annoncé l'ONU.

Le président chypriote, Demetris Christofias, et le dirigeant de la «République turque de Chypre nord» (RTCN, autoproclamée), Mehmet Ali Talat, se sont retrouvés sur le site de l'ancien aéroport de Nicosie, dans la zone tampon sous contrôle de l'ONU qui sépare les deux parties de l'île.

«Les dirigeants ont eu une réunion fructueuse. Ils ont décidé de se rencontrer une fois par semaine», a déclaré l'envoyé spécial de l'ONU à Chypre, l'ex-chef de la diplomatie australienne Alexander Downer, à l'issue de trois heures de réunion dont une heure de tête à tête.

Des critiques avaient été lancées quant au rythme des négociations, les deux dirigeants ne s'étant plus rencontrés, avant vendredi, depuis le 18 septembre. Entre-temps, M. Christofias s'était rendu à New York pour l'Assemblée générale des Nations unies, ainsi qu'en Bulgarie pour une visite d'État.

M. Downer a précisé que les deux hommes se reverraient dès lundi.

«Les deux dirigeants ont eu aujourd'hui de nouvelles discussions sur les pouvoirs d'un gouvernement fédéral et ils ont fait des progrès», a dit le diplomate australien.

«Ils ont aussi commencé à discuter de la structure d'un exécutif fédéral. Les deux camps ont fait des propositions et en rediscuteront lundi.»

Aux termes d'un accord remontant à la fin des années 1970, les deux parties s'étaient engagées à se réunir au sein d'une fédération bizonale et bicommunautaire.

«Il est très important que les deux dirigeants aient un maximum d'espace pour poursuivre leur travail. Ce sont des négociations très importantes pour l'avenir de Chypre», a dit M. Downer, dans une allusion aux récentes critiques lancées par les médias des deux parties de l'île.

La presse chypriote turque s'est notamment élevée contre le fait que M. Christofias parte à Sofia en plein processus de paix. Les médias chypriotes grecs ont accusé M. Talat de chercher à affaiblir le futur gouvernement fédéral, au risque de faire de la future fédération une confédération de deux États sans pouvoir central.

Vendredi matin avant la réunion, M. Christofias avait assuré à l'agence chypriote CNÀ que les contours d'une solution avaient déjà été définis. Il avait aussi joué l'apaisement, après que les deux dirigeants eurent étalé publiquement ces derniers jours quelques-unes de leurs divergences.

Il s'agit de la quatrième rencontre entre les deux hommes depuis qu'ils ont officiellement lancé le 3 septembre les négociations de paix, après quatre ans d'impasse.

Mais en dépit de l'enthousiasme affiché début septembre, dans la foulée de l'ouverture symbolique en avril d'un nouveau point de passage dans «la Ligne verte» séparant le sud de Chypre du tiers nord de l'île occupé par l'armée turque, les discussions n'ont pas avancé aussi rapidement qu'escompté.

L'ex-président américain Jimmy Carter a cependant estimé jeudi «très probable» un succès des discussions, lors d'une visite à Nicosie en compagnie notamment du prix Nobel de la Paix sud-africain Desmond Tutu, qui a jugé le moment «historique».

L'île est divisée depuis son invasion en 1974 par l'armée turque, en réponse à un coup d'État de Chypriotes grecs soutenus par Athènes et qui voulaient rattacher Chypre à la Grèce. La «RTCN» a été proclamée en 1983, mais n'est reconnue que par la Turquie.

Un plan de réunification élaboré par l'ONU avait été approuvé par les Chypriotes turcs, mais rejeté par référendum par les Chypriotes grecs en 2004, une semaine avant l'entrée de Chypre, divisée, dans l'Union européenne.