L'Ukraine, un des dix plus gros exportateurs d'armes du monde qui a fait l'objet de plusieurs scandales, a beaucoup amélioré son système de contrôle des exportations ces dernières années mais reste encore trop exposée aux risques de trafics, estimaient mercredi des experts.

«L'Ukraine a fait des progrès significatifs ces dernières années dans l'amélioration de son contrôle d'exportations d'armes», a déclaré dans un communiqué l'expert Paul Holtom, de l'Institut international de recherche pour la paix à Stockholm (SIPRI). «Mais si elle veut être considérée comme un exportateur d'armes responsable, elle doit s'assurer que ces armes ne seront pas détournées vers des groupes rebelles pour être utilisées dans un conflit», a-t-il poursuivi, alors qu'une polémique a éclaté au sujet de la destination de chars ukrainiens saisis la semaine dernière par des pirates somaliens.

Selon la diplomatie ukrainienne et les autorités kényanes, cette cargaison devait aller à l'armée kenyane, alors qu'un porte-parole de la Ve flotte américaine basée à Bahreïn a affirmé lundi qu'elle était destinée au Soudan.

Renforçant la tumulte, le Premier ministre ukrainien, Ioulia Timochenko, a affirmé que la vente d'armes illégale «avait lieu» dans son pays actuellement, sans cependant donner aucun détail.

Kiev, qui produisait avant son indépendance en 1991 environ 30% de l'armement de l'URSS et a hérité un énorme arsenal militaire de l'époque soviétique, a été classé par le SIPRI en dixième position sur la liste des plus gros exportateurs d'armement pour la période 2003-2007.

La moitié environ des exportations ukrainiennes sont destinées à la Communauté des Etats indépendants (ex-URSS moins les pays baltes), quelque 30% à l'Asie du Sud-Est et à l'Afrique, 6% au Proche-Orient, relève l'expert ukrainien Mykhaïlo Samous, du Centre des études de l'armée et du désarmement à Kiev.

En 2006-2007, des armes ukrainiennes - notamment blindés, avions de combat, systèmes d'artillerie et missiles - ainsi que des services militaires ont été officiellement livrés vers une vingtaine de pays pour un montant total estimé par M. Samous à 1,2 milliard de dollars en 2007 contre 1 milliard en 2006.

Un chiffre impressionnant qui est cependant terni par plusieurs scandales liés au trafic d'armes présumé depuis l'Ukraine.

Le plus retentissant d'eux portait en 2001 sur une vente présumée de radars militaires «Koltchouga» au régime du président irakien Saddam Hussein qui n'a toutefois jamais été prouvée, même après le début de l'opération militaire américaine en Irak.

En revanche, le président ukrainien, Viktor Iouchtchenko, avait confirmé que le régime de son prédécesseur, Léonid Koutchma, avait fourni en 2001 des missiles vers l'Iran et la Chine dans le cadre d'un faux contrat qui mentionnait la Russie comme étant le pays destinataire.

La vente d'armes ukrainiennes présumée au Liberia dans les années 90 notamment via le Burkina Faso a été évoquée au procès de l'ancien président libérien Charles Taylor devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone à La Haye.

Des analystes ukrainiens estiment que la «période sauvage» des années 90 est bel et bien terminée.

«Aujourd'hui, le système ukrainien du contrôle sur les exportations d'armes est un des meilleurs au monde», soutient M. Samous. Après l'affaire de «Koltchouga», les Etats-Unis et l'Union européenne ont largement contribué à son amélioration, explique-t-il.

Le scandale autour des chars saisis par les pirates montre «des signes de concurrence malpropre» visant à détériorer la réputation de Kiev sur le marché mondial d'armement, estime l'analyste militaire, Olexi Melnik, du Centre Razoumkov des études économiques et politiques à Kiev, dont l'avis est partagé par M. Samous.