Très discrets, voire invisibles, les lesbiennes et gays de Bosnie sont la cible de critiques homophobes et d'injures de la part des milieux politiques et religieux musulmans, à la veille de leur premier festival, menacé de violences.

Préparé depuis un an, cet événement prévu du 24 au 28 septembre à Sarajevo, se déroulera, selon les organisateurs «par pure coïncidence», durant le Ramadan, le mois sacré de l'islam, religion de près de 90% des habitants de la capitale bosniaque. «Ce n'est pas la première fois que l'on souhaite provoquer les musulmans pendant le mois de Ramadan», a martelé récemment le grand mufti de Bosnie, Mustafa Ceric, dans une allusion au «festival» des gays du pays.

«Nous refusons toute sorte de violence, notamment la violence contre la liberté de conscience et des valeurs traditionnelles et familiales», a-t-il ajouté.

Le festival critiqué par le mufti «s'organise» dans un petit appartement du centre-ville. Depuis sa création, en 2002, l'association «Q» a déménagé à trois reprises, pour échapper à des voisins intolérants. Elle va bientôt déménager une nouvelle fois, pour les mêmes raisons.

«Je suis prête à accepter que ce pays s'organise d'après la charia (la loi islamique). Mais alors, il faut changer les lois laïques», s'enflamme Svetlana Djurkovic, 34 ans, présidente de l'association «Q», qui organise le festival.

Sur les 3,8 millions d'habitants de ce pays ethniquement divisé, quelque 40% sont musulmans, 31% chrétiens orthodoxes (Serbes) et 10% catholiques (Croates).

«La provocation n'est pas du tout notre objectif. Le festival ne doit pas être perçu comme une promotion de l'homosexualité», assure Svetlana.

Par ailleurs, trois salles de cinéma ou de spectacle, qui devaient accueillir une partie du programme, ont renoncé à leur collaboration, officiellement «en raison de travaux».

La presse conservatrice, elle, a donné la parole aux plus virulents.

«Ce n'est pas bien d'organiser ça pendant le Ramadan. Sarajevo est un milieu conservateur», a déclaré Amir Zukic, le secrétaire général du principal parti politique des Musulmans de Bosnie.

«Il faut plutôt aider ces gens à porter leur lourd fardeau», a-t-il dit en parlant de leur orientation sexuelle, qu'il a qualifié d'«anomalie» et de «problème médical».

Une député, Amila Alikadic-Husovic, médecin de profession, a affirmé, parlant des homosexuels, qu'il fallait «soigner les maladies et ne pas les encourager».

L'association «Q» a reçu ces derniers jours des dizaines de menaces par téléphone, mail ou sur des forums sur Internet.

«Je vais boire de votre sang. Vous allez directement à la mort», dit un de ces messages, signé et transmis à la police.

À la veille du festival, la ville s'est retrouvée placardée d'affiches proclamant «Mort aux gays».

Indigné, le sociologue Ugo Vlaisavljevic dit admirer le «courage» des organisateurs du festival.

«L'absence de liberté sexuelle fait que les sociétés des Balkans sont propices aux appels à la guerre et aux crimes», note-t-il.

Dans les Balkans, les droits des gays et lesbiennes, sont toujours une utopie.

En 2001, lors d'une gay pride à Belgrade, plusieurs centaines d'hooligans avait violemment battu les participants. À Zagreb, où la gay pride se tient régulièrement depuis sept ans, elle est toujours sécurisée par un dispositif policier aussi important que le nombre de participants.

À Sarajevo, où aucun défilé n'est prévu, la police a qualifié le festival attendu, d'«événement à haut risque».