La femme accusant d'agression sexuelle le juge Kavanaugh, candidat de Donald Trump à la Cour suprême, a accepté samedi de témoigner au Sénat, même si les détails de cette audition restent à négocier.

La commission judiciaire de la chambre haute veut entendre le témoignage de Christine Blasey Ford, qui affirme avoir été agressée sexuellement par Brett Kavanaugh lors d'une soirée arrosée entre adolescents au début des années 80.

Elle prévoit également d'auditionner sur ces allégations le magistrat de 53 ans, qui les réfute en bloc.

Impossible pour l'instant pour Mme Blasey Ford et cette commission de tomber d'accord sur la date et les modalités de l'audition, même si la victime présumée avait déjà donné son accord de principe.

Si les avocates de celle qui est aujourd'hui professeure de psychologie dans une université californienne ont bien signifié samedi que leur cliente était prête à témoigner, elles n'ont pas proposé de calendrier précis et offert simplement de reprendre les discussions, selon un message électronique publié par le Washington Post.

Le bras de fer dure déjà depuis plusieurs jours. Vendredi, le président républicain de la commission, Chuck Grassley, avait ainsi adressé un nouvel ultimatum pour l'engager à témoigner mercredi, menaçant, si elle refusait, d'organiser un vote dès lundi sur la confirmation du juge, sans entendre son témoignage.

« Contraintes arbitraires »

Christine Blasey Ford ne souhaite pas être entendue avant jeudi et veut pouvoir appeler un témoin qui était présent au moment de l'agression, qui se serait passée alors qu'elle avait 15 ans et Brett Kavanaugh 17.

L'enjeu est immense: la nomination à vie de ce magistrat pourrait placer les juges progressistes ou modérés en minorité pour de longues années à la Cour suprême, arbitre des grandes questions qui divisent la société américaine, comme le droit à l'avortement.

Et les républicains veulent une confirmation avant les élections législatives de début novembre, à l'issue desquelles ils pourraient perdre le contrôle du Congrès.

« Jusqu'ici les républicains poussent pour une audition et n'accèdent pas à sa requête de témoigner jeudi et non mercredi. C'est 24 heures », a déploré samedi sur Twitter la sénatrice démocrate de Californie, Kamala Harris, quelques minutes après le message des conseils de Mme Blasey Ford.

« Je soutiendrai sa ferme bravoure face aux contraintes arbitraires, injustes et irrationnelles fixées par le président (de la commission judiciaire Chuck) Grassley », a surenchéri le sénateur démocrate Richard Blumenthal, membre, tout comme Mme Harris, de la commission judiciaire.

Après avoir évoqué son agression dans le Washington Post, Mme Blasey Ford aurait reçu des menaces de mort, selon le New York Times, l'incitant à s'assurer les services d'une société de sécurité.

#whyididntreport

Signe de l'intensification des échanges autour de cette confirmation, Donald Trump a attaqué frontalement Christine Blasey Ford vendredi, s'étonnant de son silence pendant plus de trente ans.

« Si les attaques avaient été aussi graves que ce que dit le Dr Ford, il y aurait eu une plainte d'elle ou de ses parents aimants », a tweeté le président Trump.

Cette mise en doute de la parole de cette victime présumée a suscité un tollé, des milliers de personnes livrant depuis leurs témoignages publiquement sur Twitter, expliquant pourquoi elles n'avaient pas porté plainte après une agression sexuelle, derrière le hashtag #whyididntreport (Pourquoi je n'ai pas porté plainte).

« Parce que j'avais 18 ans. J'étais effrayée. Je ne pensais pas qu'on pourrait me croire », a tweeté Gretchen Whitmer, candidate démocrate au poste de gouverneur dans le Michigan.

« Je connaissais mon assaillant. Je ne pouvais pas briser le coeur de mes parents. Je ne voulais pas être définie par l'acte violent criminel de quelqu'un ».

« Nous devons traiter les survivants d'agression sexuelle avec respect, ne pas les intimider ni tenter de leur faire garder le silence », a tonné Dianne Feinstein, sénatrice démocrate de Californie, membre de la commission judiciaire.

Dans son témoignage publié initialement dans le Washington Post, Christine Blasey Ford avait expliqué que Brett Kavanaugh et un ami, « complètement ivres », l'avaient coincée dans une chambre, plaquée sur un lit et aurait cherché à la déshabiller, avant qu'elle ne parvienne à s'enfuir.

Dans un article publié samedi par le Washington Post, le mari de Christine Blasey Ford, Russell Ford, raconte que l'évocation de Brett Kavanaugh dans les médias après sa désignation par Donald Trump a réveillé en elle un passé douloureux.

« Elle disait: je ne peux pas gérer ça », a-t-il expliqué. « S'il est nommé, alors je déménage dans un autre pays. »