L'universitaire qui accuse le candidat de Donald Trump à la Cour suprême d'une agression sexuelle remontant aux années 1980 a réclamé mardi soir une enquête du FBI sur les faits présumés avant d'être auditionnée par le Sénat, et dit être la cible de menaces de mort depuis la révélation de son nom.

Christine Blasey Ford, 51 ans, accuse le juge Brett Kavanaugh de l'avoir agressée sexuellement lors d'une soirée arrosée en banlieue de Washington il y a 36 ans, ce qu'il dément vigoureusement.

Ses accusations pourraient faire dérailler la confirmation de M. Kavanaugh et infliger du même coup un camouflet au président Trump, à près de six semaines d'élections parlementaires à haut risque pour l'exécutif.

Par «devoir civique», la chercheuse en psychologie qui souhaitait au départ rester anonyme avait fait savoir lundi, par le biais de son avocate, qu'elle se tenait prête à témoigner au Sénat, qui a le dernier mot sur les nominations à la Cour suprême.

Le juge Kavanaugh avait en parallèle réclamé d'être entendu pour défendre son «honneur».

Menaces et harcèlement 

La commission judiciaire du Sénat avait donc décidé de les convoquer pour une audition publique dès le 24 septembre.

Mais dans une lettre envoyée mardi par le biais de ses avocats au sénateur républicain Chuck Grassley, chef de la commission, Mme Blasey a réclamé que le FBI mène d'abord une enquête avant d'être auditionnée.

Selon ses avocats, l'universitaire a «été la cible d'un harcèlement féroce et même de menaces de mort» depuis que son nom est devenu public. «Sa famille a été obligée de quitter sa maison. Son email a été piraté», ont-ils ajouté.

«Pendant que sa vie était bouleversée, votre personnel et vous (M. Grassley) avez programmé une audition publique pour qu'elle témoigne à la même table que le juge Kavanaugh devant une vingtaine de sénateurs à la télévision nationale, et qu'elle revive cet épisode éprouvant et traumatisant», ont-ils poursuivi.

Bien que parmi ces sénateurs certains soient déjà convaincus que Mme Blasey «a tort», cette dernière «veut coopérer» mais réclame au préalable une enquête du FBI, qui «devrait être la première étape pour faire face à ces allégations» afin que «les faits et les témoins soient évalués de manière non partisane».

La sénatrice démocrate Dianne Feinstein a approuvé cette position, jugeant que précipiter la tenue de l'audition avait été «injuste», et demandant un délai.

Le président Trump s'était plus tôt dit solidaire de son candidat, en jugeant que le magistrat de 53 ans «ne mérite pas ça».

«Je me sens vraiment mal pour lui, sa femme (...) et ses deux merveilleuses filles», a déclaré le président américain lors d'une conférence de presse.

Quant à son accusatrice, «j'espère qu'elle va s'avancer pour plaider son cas», a ajouté le locataire de la Maison-Blanche.

Le débat prend un relief particulier dans le sillage du mouvement #MeToo qui, en un an, a fait chuter des dizaines de personnalités.

Mais l'enjeu va bien au-delà. La Cour suprême est l'arbitre des principales questions de société aux États-Unis, tranchant aussi bien sur le droit à l'avortement que les armes à feu ou le mariage homosexuel.

Or le juge Kavanaugh, un conservateur proche des républicains, est censé remplacer un juge plus modéré. Sa nomination à vie ferait donc basculer pour de longues années la plus haute juridiction du pays dans le conservatisme.

Soutiens de part et d'autre 

Pendant ce temps, les partisans du juge Kavanaugh se sont mis en ordre de bataille.

Du président Trump, qui salue un juge au parcours «impeccable», à d'anciennes petites amies qui louent «un parfait gentleman», son camp s'attache à renforcer son image de bon père de famille.

Les partisans de Mme Blasey ne sont pas en reste. D'anciennes élèves de son école secondaire ont publié une lettre pour la remercier d'avoir parlé, et plus de 1600 victimes d'abus sexuels ont écrit aux sénateurs pour leur demander de bloquer la confirmation du juge Kavanaugh.

Selon Mme Blasey, Brett Kavanaugh et un ami, «complètement ivres», l'avaient coincée dans une chambre lors d'une soirée dans les années 80. Le futur juge l'aurait plaquée sur un lit et aurait cherché à la déshabiller tout en procédant à des attouchements, avant qu'elle ne parvienne à s'enfuir.

Cet ami a fait savoir lundi qu'il refusait d'être entendu comme témoin par le Sénat. «Je n'ai aucun souvenir de ce l'incident présumé (...) et je n'ai jamais vu Brett agir de cette manière», a écrit Mark Judge dans un courriel à la commission.

Dans un livre retraçant son alcoolisme au secondaire, cet homme met pourtant en scène un certain «Bart O'Kavanaugh» vomissant dans une voiture.

AP

Le chef de la commission judiciaire du Sénat, Chuck Grassley.