Bryant Neal Vinas est le premier Américain à avoir rejoint les rangs d'Al Qaïda après le 11 septembre 2001. Arrêté au Pakistan, jugé aux États-Unis, récemment libéré, il témoigne de sa vie de «terroriste» : c'était surtout d'un «terrible ennui».

Il a réservé sa première entrevue à CTC Sentinel, la revue mensuelle du Combating Terrorism Center de l'école militaire de West Point, qui publie son témoignage dans son numéro de septembre.

«C'était extrêmement ennuyeux», dit-il de la vie dans les camps d'entraînement d'Al Qaïda dans la zone pakistano-afghane. «Il y a des jours où vous ne faites absolument rien. La plupart des gars d'AQ se plaignent surtout de l'inactivité. Il y avait peu d'opérations et même quand il y en avait, ce n'était pas terrible».

«Nous vivions dans des maisons de pisé, la nourriture était mauvaise», raconte-t-il. «Riz, soupe de pommes de terre, soupe de gombo. Les riches Arabes pouvaient acheter des chèvres, des moutons, des poulets, mais c'était le comble de l'exotisme».

D'origine hispanique, ayant grandi à Long Island, Bryant Neal Vinas a d'abord tenté, juste après les attentats du 11 septembre, de s'engager dans l'armée américaine. Il en a été chassé après quelques semaines, pour «échec à l'adaptation à la vie militaire».

Les petits boulots se succèdent alors, puis il rencontre un ami qui l'initie à l'Islam, il se convertit, écoute les sermons antiaméricains du prédicateur américano-yéménite Anwar al Awlaki et décide de rejoindre, dans la zone pakistano-afghane, un groupe combattant sunnite.

Son parcours, qui a été étudié de près par les services de renseignement américains avec lesquels il coopère pleinement après son arrestation au Pakistan en 2008, est déroutant en ce qu'il laisse une grande place au hasard.

C'est par des rencontres fortuites, dans des mosquées ou des madrassas (des écoles coraniques) qu'il passe d'un groupe à l'autre, rencontre des membres importants du réseau fondé par Oussama ben Laden sans même savoir vraiment qui ils sont, puis aboutit dans un groupe dont on lui dit, des jours plus tard, qu'il s'appelle Al Qaïda.

«Je n'ai jamais dû passer de rituels ou de tests pour être admis», souligne Bryant Neal Vinas. «Il suffisait que quelqu'un se porte garant pour vous. Moi c'était Haji Sabr, un vieux Tunisien».

Il suit des cours sur le démontage/remontage d'armes légères et sur les explosifs. Le jour où il est enfin choisi pour aller attaquer, à la roquette, une base américaine en Afghanistan, il est déçu : les quatre projectiles manquent leur cible.

Il évoque avec un haut dignitaire d'Al-Qaïda un éventuel complot contre un train régional à Long Island, mais refuse d'y participer. «A ma connaissance, ça n'a jamais commencé à être organisé».

En octobre 2008, au comble de l'ennui, Bryant Neal Vinas repasse au Pakistan pour «tenter d'aller trouver une femme à Peshawar». Il est arrêté par la police pakistanaise, qui le remet aux Américains.

«Là, j'ai compris que j'avais de gros ennuis, et j'ai décidé de coopérer», assure-t-il. Il est interrogé une centaine de fois, participe à plus de trente enquêtes, examine un millier de photos : cela lui vaut la clémence de la justice américaine.

Un à un, les lieux qu'il décrit et identifie son détruits par les tirs des drones de la CIA.

Il est condamné en mai 2017 à sa peine déjà effectuée, plus trois mois de prison, et est libéré à la fin de cette année-là.

Son entrevue est disponible sur le site du CTC.