Un procureur a accusé lundi devant un jury de Chicago un policier blanc de la ville d'avoir tiré «16 fois», de façon «totalement inutile», sur un adolescent noir, un homicide qui avait déclenché une onde de choc aux États-Unis.

Jason Van Dyke a simplement vu «un garçon noir, marchant dans la rue... qui avait l'audace d'ignorer la police», a affirmé le procureur, Joe McMahon.

L'agent Van Dyke, qui comparaît pour assassinat, est accusé d'avoir abattu à distance et sans raison le jeune homme de 17 ans, Laquan McDonald, en octobre 2014, alors que ce dernier tenait un couteau.

«Pas un seul tir n'était nécessaire ou justifié», a martelé le procureur McMahon, qui a égrené dans un silence de plomb les nombres de 1 à 16 pour insister sur l'apparente disproportion entre les actes de Laquan McDonald et la réponse létale du policier.

«Équipée sauvage» 

L'avocat de Jason Van Dyke, Daniel Herbet, a répliqué en dépeignant McDonald comme un dangereux criminel, selon lui sous l'emprise d'un psychotrope hallucinogène, lui reprochant d'avoir mené «une équipée sauvage».

La diffusion très tardive, en 2015, d'une vidéo montrant l'homicide de l'adolescent avait exacerbé la colère de la population, déclenchant des mois de manifestations dans la troisième ville des États-Unis.

Seule une poignée de manifestants se trouvait devant le tribunal lundi, mais la ville restait suspendue à l'issue du procès, prévu sur plusieurs semaines.

Beaucoup s'inquiètent des conséquences que pourrait avoir un acquittement.

Les premières plaidoiries ont commencé lundi après une semaine consacrée à la sélection des 12 jurés, désignés parmi un groupe de 200 personnes.

Les images de la vidéo, filmée depuis une caméra fixée sur le tableau de bord d'une voiture des forces de l'ordre, montrent Jason Van Dyke tirer sur l'adolescent qui se trouve à plusieurs mètres de distance, et continuer à vider son chargeur même une fois le jeune homme à terre.

Aucun des neuf autres officiers présents n'avait fait usage de son arme.

«Obtenir justice» 

Lundi face aux jurés, l'avocat du policier a tenté de contrer l'effet désastreux de la vidéo, en appelant à considérer le «contexte».

«Jason Van Dyke avait une bonne raison de croire que Laquan McDonald allait blesser quelqu'un», a plaidé M. Herbert. «Il s'est produit un drame. Et non un meurtre», a-t-il tenté de convaincre.

La vidéo de la bavure avait entraîné le renvoi du chef de la police de Chicago alors en fonction.

Le ministère de la Justice avait par ailleurs lancé en décembre 2015 une enquête fédérale visant le Chicago Police Department (CPD). Celle-ci a conclu que les abus policiers étaient récurrents à Chicago, métropole gangrénée par la criminalité.

Le maire Rahm Emanuel, un proche du président Barack Obama, s'est lui-même retrouvé en difficulté. Il a annoncé début septembre renoncer à briguer un troisième mandat, sa popularité butant sur cette violence endémique, liée à des guerres de gangs et au trafic de drogues.

L'homicide de Laquan McDonald a fait partie d'une série de bavures policières survenues ces dernières années à l'encontre de victimes noires aux États-Unis, donnant naissance au mouvement Black Lives Matter.

«Nous essayons d'obtenir justice», a déclaré à la presse le porte-parole de McDonald et de ses proches, Marvin Hunter.

Cette décision «fera jurisprudence dans ce pays pour toutes les personnes qui ont subi ce que Laquan a subi».

Laquan McDonald