Les États-Unis ont annoncé lundi la fermeture du bureau de représentation palestinienne à Washington, accusant les dirigeants palestiniens de refuser de parler à l'administration de Donald Trump et d'engager des négociations de paix avec Israël.

Mais les responsables palestiniens, qui ont gelé tout contact avec le gouvernement américain depuis que le président des États-Unis a unilatéralement reconnu, fin 2017, Jérusalem comme capitale d'Israël, ont aussitôt dénoncé de nouvelles «menaces américaines».

«L'Organisation de libération de la Palestine (OLP) n'a pris aucune mesure pour permettre le début de négociations directes et significatives avec Israël», a déclaré la porte-parole du département d'État américain Heather Nauert dans un communiqué.

«Au contraire, les dirigeants de l'OLP ont condamné le plan de paix américain sans même l'avoir encore vu et ont refusé de parler avec le gouvernement américain au sujet de ses efforts de paix», a-t-elle ajouté. En conséquence, «l'administration a décidé que le bureau de l'OLP à Washington allait fermer pour l'instant», a-t-elle annoncé.

La fermeture de cette mission, qui fait office d'ambassade de l'Autorité palestinienne aux États-Unis, est justifiée juridiquement par les démarches palestiniennes visant à traîner les dirigeants israéliens devant la Cour pénale internationale (CPI) pour «crimes de guerre».

Mais le département d'État a clairement fait le lien avec le processus de paix et cette décision s'ajoute à une rafale de mesures prises ces dernières semaines par l'administration Trump: annulation de plus de 200 millions de dollars d'aide bilatérale, arrêt du financement de l'agence onusienne de soutien aux réfugiés palestiniens (UNWRA), suppression de 25 millions de dollars d'assistance aux hôpitaux palestiniens de Jérusalem-Est.

Les Palestiniens ne «succomberont pas aux menaces américaines» et ne fléchiront ni dans leur attitude vis-à-vis de l'administration Trump, ni dans leurs efforts pour faire juger les crimes commis selon eux par les dirigeants israéliens, a répondu le numéro deux de l'OLP, Saëb Erakat.

Le représentant palestinien à Washington, Hossam Zomlot, informé lundi matin de cette nouvelle mesure, a dénoncé une «dangereuse escalade».

Liste des courses

L'administration Trump «fait la liste des commissions que lui a soumise» le premier ministre Benyamin Nétanyahou, a encore accusé M. Zomlot auprès de journalistes à Ramallah. «La liste comprend Jérusalem, la question des réfugiés, le droit au retour» de ces réfugiés, «les colonies, Gaza et la partition de Gaza et de la Cisjordanie», a-t-il dit.

Les Palestiniens ont vu dans la décision américaine sur Jérusalem, en rupture avec des décennies de consensus international, la négation de leurs revendications sur Jérusalem-Est, annexée et occupée par Israël, et dont ils veulent faire la capitale de l'État auquel ils aspirent.

Ils y voient aussi le summum du parti pris pro-israélien de Donald Trump.

La Maison-Blanche s'efforce à présent de pousser les Palestiniens à revenir à la table des négociations, à ses conditions, alors que l'entreprise de paix est enlisée depuis avril 2014 et qu'un mystérieux plan promis depuis des mois par Washington se fait attendre.

Ce plan, concocté par une petite équipe menée par le gendre et conseiller du président américain, Jared Kushner, «est en train d'être peaufiné et nous cherchons le meilleur moment pour le présenter», a expliqué lundi le conseiller à la sécurité nationale John Bolton. «C'est un plan extraordinairement ambitieux», a-t-il vanté, appelant le président palestinien Mahmoud Abbas à parler aux Israéliens.

«Nous voulons la paix», a aussi martelé la porte-parole de la Maison-Blanche, Sarah Huckabee Sanders.

Mais Donald Trump a clairement expliqué comment il entendait tordre le bras des Palestiniens.

Les États-Unis versaient aux Palestiniens «d'énormes sommes d'argent», a-t-il dit la semaine passée. «Je dis, «vous aurez l'argent mais nous ne vous paierons pas avant que nous ayons conclu un accord. Si nous ne concluons pas d'accord, nous ne payons pas»», a-t-il ajouté.

«Je n'ai jamais vu une administration soutenir Israël de manière si inconditionnelle tout en s'attaquant si durement aux Palestiniens, sans logique, sans but et sans justification de sécurité nationale», a critiqué sur Twitter Aaron David Miller, ancien diplomate américain et négociateur dans plusieurs administrations démocrates comme républicaines.

Loin de céder, les Palestiniens comptent redoubler d'efforts contre Israël devant la CPI, a prévenu Hossam Zomlot.

Les Palestiniens ont soumis à la CPI, depuis leur adhésion en 2015, plusieurs dossiers sur les crimes commis selon eux par les dirigeants israéliens, en particulier lors de la guerre de Gaza en 2014, ou ceux liés à la colonisation, comme les transferts forcés de population.

Contrairement à la Palestine, Israël n'est pas membre de la CPI et dit ne pas être tenu de coopérer avec elle. Les Israéliens sont catégoriquement opposés à une intervention de la justice internationale et font valoir que leur système judiciaire est capable de rendre la justice, y compris pour d'éventuels crimes de guerre israéliens.

Les décisions clés de Trump sur le conflit israélo-palestinien

Du transfert de l'ambassade américaine à Jérusalem à la décision de fermer la mission palestinienne à Washington, rappel des principales décisions et prises de position de l'administration Trump sur le dossier israélo-palestinien.

Silence sur les colonies

Le 24 janvier 2017, la Maison-Blanche refuse de commenter l'annonce par Israël de la construction de 2500 logements dans des colonies en Cisjordanie occupée, le plus important projet du genre depuis des années.

Le président Trump, qui vient de prendre ses fonctions, «veut se rapprocher d'Israël», affirme son porte-parole.

Premières ruptures

Le 15 février, recevant le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, Donald Trump estime que «la solution à deux États» n'est pas la seule voie possible pour la paix.

Le 27 mars, la nouvelle ambassadrice des États-Unis à l'ONU, Nikki Haley, promet que le «dénigrement» d'Israël aux Nations unies est «terminé».

Trump devant le Mur des Lamentations

Le 3 mai, Donald Trump reçoit le président palestinien Mahmoud Abbas. «Nous voulons créer la paix entre Israël et les Palestiniens, nous y arriverons», lance-t-il, restant évasif sur les moyens pour y parvenir.

Le 22 mai, il se recueille devant le Mur des Lamentations, dans la Vieille ville de Jérusalem, une première pour un président américain, tandis que Benyamin Nétanyahou annonce une aide militaire américaine accrue.

«Prétendue occupation»

Le 6 septembre, les Palestiniens qualifient d'«inacceptables» les propos de l'ambassadeur américain en Israël David Friedman, évoquant une «prétendue occupation» des Territoires palestiniens.

M. Friedman, décrit par M. Trump comme un «ami et conseiller de longue date», a pris ses fonctions en mai, précédé par ses positions controversées en faveur de la colonisation.

Jérusalem

Le 6 décembre, Donald Trump reconnaît Jérusalem comme capitale d'Israël, passant outre aux mises en garde venues de toutes parts et marquant une rupture spectaculaire avec ses prédécesseurs.

La décision déclenche la colère des Palestiniens et la réprobation de la communauté internationale.

Le président palestinien Mahmoud Abbas juge que les États-Unis sapent «délibérément tous les efforts de paix» et abandonnent leur rôle de «parrain du processus de paix».

«Claque du siècle»

Le 14 janvier 2018, Mahmoud Abbas qualifie l'offre de paix de Donald Trump de «claque du siècle», en référence à la volonté du président américain de présider à «l'accord ultime» entre Israéliens et Palestiniens.

Le 25 janvier, Donald Trump accuse les Palestiniens de «manquer de respect (aux États-Unis) en refusant de recevoir» le vice-président Mike Pence lors de sa tournée au Moyen-Orient. Il conditionne le versement aux Palestiniens de «centaines de millions de dollars» d'aides à leur retour aux négociations.

Ambassade américaine à Jérusalem

Le 5 mars, Donald Trump reçoit à nouveau Benyamin Nétanyahou à la Maison-Blanche et affirme que la relation entre les États-Unis et Israël n'a «jamais été aussi bonne».

Le 14 mai, le transfert de l'ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem coïncide avec un bain de sang dans la bande de Gaza, où une soixantaine de Palestiniens sont tués par des tirs israéliens.

Le 1er juin, les États-Unis mettent leur veto aux Nations unies à un projet de résolution au Conseil de sécurité appelant à protéger les Palestiniens.

Arrêt des financements

Le 31 août, l'administration américaine annonce qu'elle ne financera plus l'Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), une semaine après avoir supprimé plus de 200 millions de dollars (170 millions d'euros) d'aide aux Palestiniens.

Le 8 septembre, Washington ordonne la suppression d'une aide de 25 millions de dollars aux hôpitaux palestiniens à Jérusalem-Est.

Washington ferme la mission palestinienne

Le 10 septembre, le numéro deux de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), Saëb Erakat, indique que les États-Unis ont notifié à la direction palestinienne leur décision de fermer le bureau de leur représentation à Washington. Les Palestiniens dénoncent une «dangereuse escalade» dans les mesures de rétorsion américaines.