Elle n'a pas réussi jusqu'ici à décoller dans les sondages, mais l'actrice Cynthia Nixon, qui brigue l'investiture démocrate pour le poste de gouverneur de New York, a poussé vers la gauche le sortant Andrew Cuomo, signe des craintes des barons démocrates à l'approche du scrutin national de novembre.

M. Cuomo, 60 ans, incarnation de l'establishment démocrate et fils du défunt et très respecté gouverneur Mario Cuomo, devrait en principe remporter facilement la primaire du 13 septembre.

Le dernier sondage, publié le 31 juillet par le Siena College, lui accordait 31 points d'avance sur Mme Nixon. Un autre sondage de Quinnipiac University le 18 juillet le plaçait en tête avec 36 points.

Fort de plus de 30 millions de dollars pour faire campagne, il peut multiplier les publicités télévisées louant ses qualités de gouverneur et de rempart face à Donald Trump. Alors que Nixon, qui se vante de refuser toute donation des patrons, compte surtout sur les réseaux sociaux et la mobilisation de ses partisans.

Pourtant, le ton parfois acerbe qu'il a employé et les attaques personnelles qu'il a lancées contre l'héroïne de la série Sex and the City, lors de leur unique débat télévisé mercredi, indiquent que le gouverneur, aux commandes de l'État de New York depuis huit ans, est loin de se sentir hors de danger.

«Allez-vous cesser de m'interrompre?» a notamment lancé le gouverneur à sa rivale, qui n'a jamais eu de mandat électif.

«Allez-vous cesser de mentir?» a répondu sans se démonter l'actrice et militante de 52 ans, très à l'aise en public.

Au-delà de la pugnacité des échanges, le seul fait que M. Cuomo ait accepté le débat - son premier duel télévisé depuis 2006 - montre  qu'«il est suffisamment inquiet [...] pour ne pas la prendre à la légère», estime Robert Shapiro, professeur de sciences politiques à l'université Columbia.

Aussi «progressiste» qu'elle

Cynthia Nixon «le pousse vers la gauche. Il fallait qu'il soit à la tribune avec elle pour montrer que sur certains sujets, il est suffisamment progressiste comparé à elle», dit M. Shapiro.

Cynthia Nixon, mère de trois enfants et ouvertement bisexuelle, qui milite depuis longtemps pour l'enseignement public et les droits LGBT, se revendique comme «socialiste».

Elle dénonce les arrangements avec les patrons de Wall Street de ténors démocrates comme Hillary Clinton - qui a apporté son soutien à Cuomo - et prône la défense des classes populaires et des minorités, dans des domaines aussi divers que le logement, l'éducation, la justice et les transports.

Ses positions sont dans la lignée de Bernie Sanders, candidat radical malheureux à la primaire présidentielle démocrate de 2016, et surtout de la jeune Alexandra Ocasio-Cortez, gagnante surprise fin juin d'une primaire new-yorkaise pour les élections de novembre au Congrès, face à un autre ténor démocrate, Joe Crowley.

La victoire de Mme Ocasio-Cortez a galvanisé les plus progressistes du camp démocrate. Ces derniers ont marqué un nouveau point mardi en Floride: lors des primaires pour le poste de gouverneur de cet État toujours très disputé, les électeurs démocrates ont choisi le candidat soutenu par Bernie Sanders.

Cynthia Nixon peut-elle suivre le mouvement et devenir la première femme à gouverner les 20 millions d'habitants de l'État de New York?

New York, microcosme démocrate

M. Shapiro et la plupart des observateurs jugent une victoire de l'actrice improbable, mais pas impossible.

«Sa campagne doit être prise au sérieux», dit Michael Miller, professeur de sciences politiques au Barnard College.

Bastion démocrate, New York est souvent considéré comme le «microcosme du débat national au sein du parti», dit-il.

Et ce qui caractérise New York, «c'est qu'une candidate comme Nixon a plus de chances de gagner que dans des États du Midwest, par exemple, où les candidats démocrates doivent surveiller ce qu'ils disent sur des sujets comme le contrôle des armes ou la fiscalité», selon lui.

Michael Miller estime que le débat entre progressistes et centristes peut s'avérer fructueux. Mais des stratèges démocrates redoutent de voir leur parti emporté dans une tempête similaire à celle qui ébranla les républicains avec le courant ultraconservateur du Tea Party en 2010.

Vu l'ampleur de l'opposition à Trump, «les démocrates ont une occasion en or» de reprendre la majorité au Congrès, «mais ils doivent arrêter de se chamailler et agir de façon responsable», souligne Sam Abrams, professeur au Sarah Lawrence College.

«Quand vous avez des démocrates en pleine confusion, comme mercredi (lors du débat Cuomo/Nixon, NDLR), vous ouvrez la porte à une victoire des républicains».