L'ex-chef de campagne de Donald Trump, Paul Manafort, a été accusé mardi de se croire «au-dessus des lois» lors de l'ouverture de son procès pour fraudes et blanchiment d'argent, le premier découlant de l'explosive enquête russe qui empoisonne le mandat du président américain.

Citant l'achat d'une veste en autruche à 15 000 dollars et autres dépenses alimentant un «train de vie extravagant», les procureurs ont peint le portrait d'un flamboyant lobbyiste vivant de revenus tirés notamment de ses travaux pour l'ex-président ukrainien Viktor Ianoukovitch, soutenu par Moscou.

«Paul Manafort s'est placé, avec sa fortune, au-dessus des lois», a asséné le procureur adjoint Uzo Asonye, lors de la première journée du procès à Alexandria, près de Washington. «Tous les chefs (d'accusation) se résument à une chose simple: Paul Manafort a menti», a-t-il poursuivi.

La défense, elle, a décrit un professionnel «très occupé», déléguant la gestion des affaires quotidiennes à son associé, Rick Gates, un témoin clé à venir dans ce procès et qui aurait «profité de sa confiance».

Si c'est le procureur spécial Robert Mueller, chargé d'enquêter sur les soupçons d'ingérence russe dans la présidentielle américaine de novembre 2016, qui l'a mené sur le banc des accusés, la question cruciale d'une possible collusion entre des membres de la campagne Trump et Moscou ne devrait pas être abordée pendant ce procès.

Il porte en effet sur des faits antérieurs au passage de Paul Manafort à la tête de l'équipe Trump, entre mai et août 2016.

M. Manafort est accusé de fraudes fiscale et bancaire, ainsi que d'avoir blanchi plus de 30 millions de dollars liés à ses activités de lobbyiste pour Viktor Ianoukovitch et deux partis pro-Ianoukovitch. Des faits portant jusqu'au printemps 2016, a expliqué le juge, et mis à jour par Robert Mueller à la faveur de son enquête russe.

Paul Manafort rejette toutes ces accusations.

Pas de «collusion» 

Les traits tirés et les tempes blanchies de Paul Manafort, incarcéré depuis juin, témoignent de sa chute brutale en disgrâce.

Passant la main dans sa mèche impeccablement coiffée, prenant des notes et laissant même échapper un sourire aux plaisanteries du juge T.S Ellis III, l'accusé de 69 ans a pourtant semblé retrouver de sa superbe mardi dans la salle d'audience, où se trouvait son épouse.

Après presque quatre heures, les douze jurés - six femmes et six hommes - ont été sélectionnés pour le procès qui devrait durer trois semaines. L'audience a été ajournée jusqu'à mercredi à 9h30.

Alors que l'ire du président Donald Trump va crescendo contre les investigations de M. Mueller, qu'il qualifie de «chasse aux sorcières», ce procès ultra-médiatique embarrasse la Maison-Blanche.

Mardi matin, M. Trump a de nouveau affirmé sur Twitter qu'il n'y avait pas eu de «collusion».

Paul Manafort «n'a aucune information incriminant le président», avait martelé lundi l'avocat de Donald Trump, Rudy Giuliani, sur CNN. Puis d'ajouter, en soulignant la courte durée de son passage à la tête de la campagne: «C'est juste... quatre mois, ils ne vont pas se mettre à comploter sur les Russes».

Une poignée de manifestants anti-Trump se sont rassemblés tôt devant le tribunal, un des panneaux brandis moquant le fidèle silence de l'accusé: «Trump ne passerait pas une seconde en prison pour toi».

Certains espèrent que Paul Manafort finira par révéler des informations importantes pour le dossier. Il était notamment présent lors d'une réunion entre une avocate russe, le fils du président, Donald Trump Jr. et son gendre, Jared Kushner, en juin 2016.

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La photo d'identification judiciaire de Paul Manafort.

Espoir d'une grâce?  

Les procureurs devraient appeler à la barre plus de trente témoins, dont Rick Gates qui coopère avec Robert Mueller depuis qu'il a accepté de plaider coupable en février.

«Paul n'a pas fait confiance à la bonne personne», a déclaré l'un des avocats de M. Manafort, Thomas Zehnle. «Rick a profité de cette confiance».

Parmi la trentaine d'individus déjà visés par le procureur spécial, dont une majorité de Russes, Paul Manafort est le seul Américain à avoir refusé de passer un accord avec la justice pour éviter un procès.

«Manafort est resté loyal» à Donald Trump, souligne Jonathan Turley, professeur de droit à l'université George Washington. Il estime peut-être que ce procès lui permet de préserver «ses chances d'obtenir une grâce» présidentielle.

Risquant déjà de passer le restant de ses jours en prison, Paul Manafort doit faire face à un second procès en septembre, à Washington, toujours dans le cadre de l'enquête Mueller qui l'accuse cette fois, notamment, de blanchiment d'argent et de ne pas avoir déclaré ses services de lobbyiste en faveur d'un gouvernement étranger.

Il avait été écroué en juin pour tentative de subornation de témoin.

AP

Des manifestants anti-Trump se sont fait entendre mardi devant le tribunal d'Alexandria.