Le président Donald Trump annoncera lundi son choix pour le poste de juge à la Cour suprême des États-Unis, un magistrat qui sera vraisemblablement très conservateur et dont les décisions seront lourdes de conséquences pour l'évolution de la société américaine.

Cette nomination découle du départ à la retraite inattendu du juge Anthony Kennedy, l'un des neuf sages de la haute cour nommés à vie. Ce sera la seconde depuis l'entrée en fonction du président qui avait déjà choisi un jeune conservateur, Neil Gorsuch, en 2017.

Soucieux d'offrir le maximum de résonance à une décision qui va particulièrement contenter sa base électorale, M. Trump doit annoncer son choix depuis la Maison-Blanche à 21h00, une heure de grande écoute. Cet horaire a forcé les grands réseaux de télévision à bousculer leurs programmes.

La liste de candidats, soigneusement sélectionnés par l'organisation conservatrice Federalist Society, a été affinée par le président qui a tweeté samedi «Une grande décision va être prise bientôt».

Trois magistrats semblent tenir la corde: Brett Kavanaugh, un ancien conseiller de George W. Bush; Amy Coney Barrett, une juge connue pour ses valeurs religieuses traditionalistes; et Raymond Kethledge, défenseur d'une interprétation littérale de la Constitution.

Mais M. Trump pourrait créer la surprise en choisissant Thomas Hardiman, un farouche défenseur du port d'armes, considéré comme un outsider après avoir été finaliste face à M. Gorsuch.

«Je vais choisir quelqu'un avec des références impeccables, un intellect brillant et une profonde révérence pour les lois et la Constitution des États-Unis», avait-il promis vendredi.

«Militantisme judiciaire»

M. Trump a rejeté l'idée d'une politisation de la Cour suprême, une critique renforcée depuis que la haute cour a désigné George W. Bush au détriment d'Al Gore lors de l'imbroglio de la présidentielle de 2000.

«Nous rejetons le militantisme judiciaire et les décisions politiques par un tribunal», a-t-il assuré.

La Cour suprême, dont la mission première est de contrôler la constitutionnalité des lois, tranche les importants débats de société aux États-Unis, un rôle davantage assuré par les parlements dans d'autres pays.

Le juge Kennedy, 81 ans, a joué un rôle pivot: conservateur sur des sujets comme les armes à feu ou le financement électoral, il a été plus progressiste sur des thèmes comme l'avortement, la discrimination positive ou le mariage homosexuel.

Il a souvent départagé ses huit pairs, quatre conservateurs (dont le président John Roberts) et quatre progressistes.

Son départ était vivement redouté par les démocrates, qui craignent par ailleurs une défaillance de la doyenne de la Cour, la magistrate progressiste Ruth Bader Ginsburg, qui siège encore à 85 ans.

Sans Kennedy, beaucoup considèrent désormais qu'un réel danger plane sur divers acquis sociaux, comme le droit à l'avortement. 

Décalage à droite 

«Le départ à la retraite de M. Kennedy provoque un glissement de la Cour» vers la droite, souligne Thomas Lee, de la Fordham Law School. «Quelle que soit la personne nommée, elle se retrouvera à droite du président Roberts, qui devient le juge médian».

Les juges de la Cour suprême siégeant souvent pendant des décennies, l'enjeu est énorme. M. Trump a l'occasion de marquer durablement l'institution de son empreinte.

Le président a choisi exprès des magistrats relativement jeunes: 53 ans pour MM. Kavanaugh et Hardiman, 46 ans pour Mme Barrett et 51 ans pour M. Kethledge.

Une Cour conservatrice devrait sabrer les velléités locales de réglementer les armes à feu, donner des gages aux chrétiens conservateurs, conforter les partisans de la peine de mort, appuyer les lobbys patronaux et s'opposer à un plafonnement des financements électoraux.

Le juge choisi devant être avalisé par le Sénat, M. Trump veut agir vite et profiter de la courte majorité républicaine à la chambre haute du Congrès, avant des élections parlementaires risquées en novembre.

Mais l'opposition démocrate entend se mobiliser lors du vote de confirmation, un processus que Mitch McConnell, le chef des républicains au Sénat, veut boucler à l'automne.

«Le président Trump a le devoir, vis-à-vis du peuple américain, de nommer un candidat modéré et consensuel, pas un extrémiste», a tweeté la sénatrice démocrate Dianne Feinstein.