Le président élu du Mexique, Andrés Manuel Lopez Obrador, a proposé lundi au président américain Donald Trump de « réduire les migrations » et « d'améliorer la sécurité », au lendemain de son écrasante victoire qui a porté la gauche pour la première fois au pouvoir.

« J'ai reçu un appel de Donald Trump et nous avons parlé durant une demi-heure. Je lui ai proposé d'envisager un accord global : des projets de développement générant des emplois au Mexique et parallèlement, de réduire les migrations et d'améliorer la sécurité », a écrit « AMLO » - comme il est surnommé - sur Twitter.

M. Trump avait indiqué un peu plus tôt avoir eu une « bonne discussion » téléphonique avec M. Lopez Obrador, prédisant « une très bonne relation » à venir. « Je crois qu'il va essayer de nous aider sur la frontière », a-t-il ajouté.

Le candidat de 64 ans a remporté dimanche une victoire historique à la présidentielle mexicaine avec plus de 53 % des voix, selon les estimations officielles, et obtenu une majorité des voix à l'Assemblée. Il semblait également en mesure lundi de contrôler le Sénat.

« Il y a beaucoup à faire pour le bien à la fois des États-Unis et du Mexique », avait tweeté Donald Trump peu après l'annonce de cette victoire historique dimanche soir.

« AMLO » lui a répondu qu'il souhaitait une relation d'« amitié et de coopération » avec les États-Unis.

Le président américain a plusieurs fois accusé le Mexique « de ne rien faire » pour empêcher les migrants d'Amérique centrale d'atteindre la frontière avec les États-Unis et a promis de faire construire un mur pour stopper l'immigration clandestine provenant du sud.

Écrasante victoire

Après deux échecs successifs, M. Lopez Obrador a obtenu une victoire écrasante à la présidentielle.

Son parti, Morena, a décroché six des neuf sièges de gouverneurs en jeu, dont celui de la capitale, qui revient pour la première fois à une femme.

Lundi, alors qu'un peu plus de 50 % des bulletins de vote avaient été dépouillés, la coalition Ensemble nous ferons l'Histoire (Juntos Harmemos Historia), conduite par Morena avec le Parti du travail (PT) et le Parti rencontre sociale (Partido Encuentro Social), obtenait 213 sièges de députés sur les 500 en jeu.

Au Sénat, la coalition pourrait également obtenir la majorité selon les sondages de sortie d'urnes.

Cette victoire bouleverse le panorama politique mexicain jusqu'alors dominé par le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, droite), actuellement au pouvoir, et le Parti Action nationale (PAN, centre-droit).

L'ancien maire de Mexico a devancé de plus de 30 points le jeune conservateur Ricardo Anaya (PAN), à la tête d'une coalition de droite et de gauche, et Jose Antonio Meade, du PRI, le parti au pouvoir, très loin derrière, en troisième position.

Incertitudes

« Je suis très conscient de ma responsabilité historique [...] Je veux passer à l'Histoire comme un bon président », a assuré le vétéran de gauche, au côté de sa femme, devant une foule de plusieurs milliers de sympathisants réunis sur la place du Zocalo, dans le centre de Mexico. « Je ne vous décevrai pas! » leur a-t-il promis.

Andrés Manuel Lopez Obrador a su tirer profit de l'exaspération d'une grande partie des Mexicains en promettant de lutter contre la corruption et de chasser la « mafia du pouvoir », incarnée par l'impopulaire président, Enrique Peña Nieto.

Le principal défi du président « sera d'accomplir ce qu'il a promis, et ce qu'il a promis est une utopie », a commenté à l'Agence France-Presse (AFP) l'analyste politique Jose Antonio Crespo. « Il n'y arrivera pas, mais on verra ce qu'il obtient ».

Saluant le « ton conciliateur » de M. Lopez Obrador dans son discours de victoire, le cabinet britannique Capital Economics regrette lundi avoir encore « peu de clarté sur la politique économique d'AMLO ».

Signe de cette incertitude : le peso mexicain et la Bourse locale ont chuté lundi, de 0,9 % et 2,12 % respectivement.

M. Lopez Obrador devra faire aboutir la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain, avec les États-Unis et le Canada, crucial pour le Mexique, dont les exportations sont tournées à 80 % vers son voisin du nord.

Le nouveau président devra aussi faire reculer la pauvreté, qui touchait 53,4 millions de personnes en 2016, soit 43,6 % de la population, et qui alimente la violence criminelle.

Le pays a enregistré l'an dernier un chiffre record de 25 339 homicides, et le processus électoral a été « le plus sanglant » de l'histoire du Mexique, avec au moins 145 assassinats d'hommes politiques, selon le cabinet d'études Etellekt. Dimanche, au moins deux militants ont encore été tués.

AMLO a promis de ramener la paix sociale dans le pays, au besoin en accordant une amnistie aux petites mains des cartels, une proposition qui a déclenché une vive polémique au Mexique.