Pour les leaders chrétiens évangéliques américains comme Jerry Falwell fils, une Cour suprême conservatrice s'agit ni plus ni moins de l'équivalent politique du Saint Graal.

Comme plusieurs conservateurs religieux, M. Falwell fils, qui entretient une relation étroite avec la Maison-Blanche, estime que le poste vacant à la Cour suprême des États-Unis que le président Donald Trump pourvoira dans les prochains mois mènera éventuellement à l'annulation de la décision historique Roe v. Wade sur légalisation de l'avortement.

Mais, plutôt que de célébrer publiquement, certains dirigeants évangéliques minimisent ce revirement en leur faveur dans un dossier qui a longtemps été un cheval de bataille pour eux.

« Ce que les gens ne comprennent pas, c'est que, si vous annulez Roe v. Wade, la seule chose que cela fera, c'est de donner le droit aux États de décider si l'avortement est légal ou illégal, a déclaré Jerry Falwell fils en entrevue avec l'Associated Press. Selon moi, probablement moins de 20 États pourraient rendre l'avortement illégal s'ils en avaient le droit. »

M. Falwell fils a ajouté : « Dans les années 70, je ne sais pas combien d'États considéraient l'avortement comme étant illégal, mais il n'y en aura pas autant cette fois-ci. »

Cette opinion, exprimée par de nombreux leaders évangéliques partout au pays cette semaine, souligne la complexité sur le plan politique de ce moment attendu depuis longtemps par bien des conservateurs religieux.

Avec la retraite du juge Anthony Kennedy, M. Trump et ses alliés républicains ont la voie libre pour nommer un magistrat conservateur qui pourrait contribuer à redéfinir le paysage juridique du pays pour plusieurs enjeux explosifs, dont l'avortement.

Et si la droite religieuse se réjouit, les conservateurs risquent d'essuyer une violente réaction de la part de leurs opposants s'ils célèbrent trop. Les groupes de défense des droits des femmes ont déjà alerté leurs membres, particulièrement celles qui vivent dans les banlieues et qui devraient jouer un rôle majeur dans la bataille pour la majorité à la Chambre des représentants aux élections de mi-mandat en novembre.

Les deux tiers des Américains ne souhaitent pas l'annulation de Roe v. Wade, selon un sondage publié vendredi par l'organisme non partisan Kaiser Family Foundation. Trois femmes en âge de procréer sur quatre veulent que la décision soit maintenue.

Le sondage a été effectué avant que le départ du juge Kennedy ne soit annoncé.

« La gauche va essayer par tous les moyens de convaincre les gens que cela concerne uniquement l'annulation de la décision Roe », a affirmé Johnnie Moore, un pasteur baptiste qui a agi comme coprésident du comité consultatif évangélique de la campagne de M. Trump.

Selon M. Moore, le changement le plus important qui pourrait survenir, c'est que la Cour suprême aide les conservateurs dans leur lutte pour ce qu'ils appellent la « liberté religieuse ».

Tony Perkins, qui dirige l'organisme conservateur Family Research Council, abonde dans le même sens : la liberté religieuse est un enjeu beaucoup plus important pour les conservateurs que l'avortement.

Plusieurs évangélistes ont dénoncé les lois adoptées par l'administration Obama qui obligent les églises et les autres établissements religieux à fournir à leurs employées des services en matière de santé reproductive, dont l'accès à l'avortement et à la pilule contraceptive. D'autres se sont portés à la défense de propriétaires d'entreprises privées ayant eu des démêlés avec la justice pour avoir refusé de servir des personnes homosexuelles.

Néanmoins, la restriction de l'accès à l'avortement est certainement au menu, a reconnu Johnnie Moore.

« La communauté n'a jamais été aussi confiante au sujet de la possibilité de finalement annuler la décision Roe, a-t-il commenté. C'est un fait, les évangélistes n'ont jamais été aussi confiants par rapport à l'avenir de l'Amérique. »