Elliott qui ? La plupart des Américains ont dû se poser la question, le 13 avril dernier, en apprenant qu'un certain Elliott Broidy avait admis au Wall Street Journal avoir versé 1,6 million de dollars à une ancienne playmate pour garder le secret sur une liaison extraconjugale qui a mené à un avortement.

Les médias américains ne pouvaient pas se permettre d'ignorer l'affaire. Après tout, Broidy, homme d'affaires californien, était trésorier adjoint du Parti républicain et généreux donateur de Donald Trump. Autre information incontournable : Michael Cohen, avocat personnel du président, s'était chargé de négocier l'accord de confidentialité entre Broidy et Shera Béchard, une Ontarienne d'origine qui a été la petite amie du fondateur du magazine Playboy, Hugh Hefner.

Mais l'histoire d'Elliott Broidy ne s'arrête pas ici. Selon un titre du Washington Post, cet investisseur en capital-risque âgé de 60 ans sera « la prochaine figure majeure » d'un scandale qui risque fort de secouer la présidence de Donald Trump. Dans son article, le quotidien dit notamment qu'il n'est peut-être pas celui qui a rendu enceinte la playmate. Mais écartons pour l'instant ce doute et concentrons-nous d'abord sur les faits confirmés et documentés, qui sont déjà assez troublants.

RENCONTRE À NEW YORK

Après l'élection de Donald Trump, Elliott Broidy a offert ses services à des gouvernements étrangers pour défendre leurs intérêts auprès du président. Avec l'aide de George Nader, homme d'affaires libano-américain, il a notamment mené en 2017 une campagne assidue auprès de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis afin de décrocher des contrats de consultation faramineux totalisant 1,6 milliard de dollars. Avant d'aller plus loin, une précision : toutes ces tractations ont été révélées la semaine dernière par l'Associated Press, qui a obtenu les courriels piratés d'Elliott Broidy.

En échange de contrats accordés à Circinus LLC, société de Broidy, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis s'attendaient notamment à un changement de la politique des États-Unis à l'égard du Qatar, leur ennemi juré dans le golfe Persique.

Le 2 décembre 2017, Elliott Broidy a rencontré Donald Trump à New York pour parler de ses contrats de consultation, selon les propres courriels de l'homme d'affaires. 

Quelques jours plus tard, les Émirats arabes unis ont accordé à la société d'Elliott Broidy un contrat de 600 millions de dollars.

À la même époque, l'avocat de Shera Béchard, Keith Davidson, a reçu 200 000 $, soit le premier de huit paiements versés à sa cliente selon les clauses d'un accord de confidentialité préparé par Michael Cohen et signé par Elliott Broidy le 30 novembre 2017, soit deux jours avant sa rencontre avec le président des États-Unis à New York.

À noter que ce Keith Davidson a également servi d'avocat à Stormy Daniels lorsqu'elle a signé son accord de confidentialité avec l'avocat personnel du président, en octobre 2016. Il ne représente plus Shera Béchard. Autres faits curieux : les pseudonymes utilisés dans l'accord de confidentialité entre Béchard et Broidy sont les mêmes que ceux utilisés dans le document destiné à acheter le silence de Stormy Daniels : David Dennison et Peggy Peterson.

Le Wall Street Journal a reçu une copie de l'accord de confidentialité entre Broidy et Béchard quatre jours après la perquisition du FBI chez Michael Cohen. L'homme d'affaires n'a pas hésité un seul instant à passer aux aveux lorsque le quotidien l'a questionné sur le paiement et l'avortement de l'ancienne playmate.

UN PARAVENT ?

Revenons en arrière un instant : les États-Unis n'ont pas rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar, où se trouve la plus importante base militaire américaine à l'étranger. Mais Donald Trump a créé des divisions au sein de sa propre administration en prenant initialement le parti de l'Arabie saoudite et de ses alliés après l'annonce de leur blocus contre Doha. Quant à Broidy, il s'est enrichi considérablement avec ses contrats de consultation avec les pays du Golfe.

Mais est-il vraiment celui qui a eu une liaison avec Shera Béchard ? La semaine dernière, deux médias américains - le Washington Post et le magazine New York - ont évoqué une autre possibilité : Donald Trump est celui qui a eu cette relation ayant mené à un avortement. Et Elliott Broidy aurait accepté de lui servir de paravent, sachant qu'il pourrait utiliser son accès auprès du président pour signer des contrats de plusieurs centaines de millions de dollars avec les pays du Golfe.

La somme de 1,6 million de dollars versée à Shera Béchard pourrait donc être considérée comme un pot-de-vin.

« Cette théorie est, pour le moment, non prouvée, mais elle est convaincante », a écrit Paul Waldman, du Washington Post.

Elliott Broidy n'en serait pas à son premier pot-de-vin. Il a plaidé coupable en 2009 d'avoir donné près de 1 million de dollars en cadeaux illégaux à des responsables du fonds de pension de l'État de New York. Donald Trump, de son côté, a déjà démontré son penchant pour les mannequins de Playboy.

Un mot enfin sur George Nader, partenaire de Broidy et repris de justice (il a purgé un an de prison en République tchèque pour une affaire de pédophilie) : il coopère avec le procureur spécial chargé de l'enquête russe Robert Mueller.

Photo fournie par le Raoul Wallenberg Committee of the United States, archives Associated Press

Elliott Broidy, en février 2008. L'homme d'affaires californien a admis au Wall Street Journal avoir versé 1,6 million de dollars à une ancienne playmate pour garder le secret sur une liaison extraconjugale qui a mené à un avortement.