L'avocat personnel de Donald Trump, Michael Cohen, apparaissait fragilisé mercredi par des révélations montrant qu'il a touché des millions de dollars, notamment d'un oligarque russe et de sociétés cherchant un accès privilégié à la Maison-Blanche.

Ont ainsi alimenté les comptes bancaires de M. Cohen le laboratoire pharmaceutique suisse Novartis, l'opérateur de télécoms AT&T, l'avionneur sud-coréen Korea Aerospace Industries ou l'homme d'affaires Viktor Vekselberg, proche du Kremlin.

Ces paiements ont été adressés à une société-écran fondée par l'avocat, ajoutant à l'opacité de l'affaire et accentuant les suspicions visant le juriste sous le coup d'une enquête pénale.

La Maison-Blanche a assuré mercredi ne pas être troublée par ces révélations. «Je n'ai pas entendu le président exprimer d'inquiétudes à ce sujet», a affirmé sa porte-parole, Sarah Sanders.

Elle a également dit ignorer si des décisions de l'administration avaient bénéficié aux sociétés ayant payé M. Cohen.

Jusque-là, cet avocat de 51 ans était surtout connu pour avoir acheté le silence de Stormy Daniels, la vedette de films pornos qui affirme avoir eu une liaison avec M. Trump.

On sait que les enquêteurs du FBI s'intéressent à lui dans le cadre de l'enquête russe, confiée au procureur spécial Robert Mueller, mais on ignore pour quelles raisons précises.

Documents saisis par le FBI

Le cabinet de l'avocat new-yorkais, qui s'est dit prêt à se prendre une balle à la place du président, a été perquisitionné en avril, les policiers saisissant de nombreux documents.

Ces pièces sont peut-être liées aux paiements dévoilés par Michael Avenatti, l'avocat de Stormy Daniels.

Les sommes ont été virées au bénéfice d'Essential Consultants, un cabinet de conseil créé en octobre 2016 grâce auquel Michael Cohen a payé 130 000 dollars à Stormy Daniels, remboursés ensuite par M. Trump.

En tout, au moins 4,4 millions de dollars ont transité par les caisses d'Essential Consultants, de la période précédant l'élection de novembre 2016 à janvier 2018.

AT&T a reconnu mardi soir avoir engagé Michael Cohen début 2017 afin d'avoir des informations privilégiées sur les rouages internes de la Maison-Blanche.

La société cherche à acquérir le groupe de médias Time Warner, une opération à laquelle s'oppose le gouvernement américain.

Selon Michael Avenatti, M. Cohen a aussi reçu 500 000 dollars de la firme d'investissement Columbus Nova, branche américaine du groupe russe Renova dirigé par Viktor Vekselberg.

Ce dernier fait partie d'oligarques proches de Vladimir Poutine sanctionnés début avril par Washington, en réponse à l'empoisonnement d'un ancien espion russe à Londres.

À vendre: accès au président

M. Vekselberg était présent à la cérémonie d'investiture de Donald Trump, dont l'équipe de campagne est soupçonnée de s'être entendue avec Moscou pour influencer le résultat de la présidentielle.

Novartis Investments a de son côté a reconnu quatre paiements de 99 980 dollars chacun à Essential Consultants, en vertu d'un contrat conclu en février 2017.

«À la suite du changement de gouvernement, Novartis a considéré que Michael Cohen était susceptible de conseiller la société sur la façon dont le gouvernement Trump aborderait certains aspects de la politique de santé», a expliqué le groupe.

Novartis a précisé s'être ensuite rendu compte que M. Cohen ne pouvait répondre à cette demande.

M. Avenatti accuse l'avocat personnel de Trump d'avoir «monétisé l'accès au président des États-Unis».

«Vous avez une personne proche d'un homme politique, en l'espèce le président des États-Unis, ce qui est très rare, qui vend une mise en contact potentielle», a estimé M. Avenatti sur CNN.

«Je ne crois pas que (M. Cohen) soit déclaré, comme il devrait l'être, en tant que représentant d'agents ou d'intérêts étrangers. C'est grave», a poursuivi l'avocat.

Au final, M. Cohen, surnommé le «pitbull» de la tour Trump, se retrouve donc plongé au coeur d'un chaudron où mijote un sacré ragoût, composé d'infidélité conjugale présumée, de versements louches et de lobbying politique frisant apparemment la corruption.

Il semble plus que jamais sur la sellette. Certains prédisent son proche «retournement», c'est-à-dire sa coopération dans l'enquête russe en échange d'une indulgence du procureur.

Samedi soir, l'émission satirique «Saturday Night Live» a montré un Michael Cohen aux abois, interprété par le comédien Ben Stiller. On le voit appeler le président Trump sur une ligne écoutée par le FBI.

«Comment tiens-tu le coup en prison ?», lui demande le faux président, joué par Alec Baldwin. «Je ne suis pas en prison», répond l'avocat. «Bah, c'est l'affaire de deux semaines», rétorque M. Trump.