Le chef de la diplomatie britannique Boris Johnson a reconnu lundi à Washington que les demandes de Donald Trump concernant l'accord sur le nucléaire iranien étaient «légitimes», dans une ultime tentative européenne pour convaincre le président américain de ne pas jeter ce texte aux orties.

En parallèle à Berlin, ses homologues français et allemand, Jean-Yves Le Drian et Heiko Maas, ont aussi plaidé en faveur de l'accord, meilleur moyen à leurs yeux pour «éviter que l'Iran n'accède à l'arme nucléaire».

M. Trump pourrait décider d'ici samedi de rétablir les sanctions contre l'Iran levées en contrepartie de son engagement à ne pas se doter de la bombe nucléaire, s'il juge insuffisantes les solutions négociées avec les Européens pour «durcir» l'accord de 2015.

Ce «plan d'action» a été conclu à Vienne par Téhéran avec ces trois pays européens ainsi que les États-Unis, la Chine et la Russie, avant l'arrivée à la Maison-Blanche de Donald Trump.

Le président américain le juge «désastreux» et lui reproche des clauses qui prévoient la fin progressive de certaines restrictions au programme nucléaire iranien à partir de 2025, mais aussi le fait qu'il ne s'attaque pas directement aux essais balistiques de Téhéran et à ses activités jugées «déstabilisatrices» au Moyen-Orient.

«Le président a raison d'y voir des lacunes» et «d'attirer l'attention là-dessus», a déclaré lundi Boris Johnson, juste avant de rencontrer son homologue américain Mike Pompeo puis le vice-président Mike Pence. Les inquiétudes de Donald Trump sont «légitimes», «il a lancé un défi au monde», a-t-il renchéri, en s'exprimant sur Fox News, la chaîne télévisée préférée du président républicain.

Mais «nous pensons qu'on peut être plus dur sur l'Iran, répondre aux inquiétudes du président sans jeter le bébé avec l'eau du bain», a-t-il aussi insisté. «Le plan B ne me semble pas particulièrement avancé à ce stade», a ajouté le ministre britannique.

«Menottes en place»

Le président français Emmanuel Macron s'est déjà rendu il y a deux semaines à la Maison-Blanche pour tenter de persuader son homologue américain de ne pas dénoncer le texte, tout en proposant de négocier avec l'Iran un «nouvel accord», qui prenne en compte ses inquiétudes. La chancelière allemande Angela Merkel a appuyé ce plaidoyer quelques jours plus tard.

En «ce moment délicat, ce serait une erreur de s'éloigner de l'accord nucléaire et de lever les contraintes qu'il fait peser sur l'Iran», a aussi estimé Boris Johnson dans une tribune publiée par le New York Times. Il a souligné que les inspections de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) prévues par ce texte augmentent «la possibilité de détection de toute tentative de fabriquer une arme».

«Maintenant que ces menottes sont en place, je ne vois pas d'avantage éventuel à les mettre de côté», a-t-il écrit, «la meilleure ligne à suivre serait d'améliorer les menottes plutôt que de les rompre».

«Nous sommes tout à fait déterminés à sauver cet accord parce que cet accord nous préserve de la prolifération nucléaire et est le bon moyen d'éviter que l'Iran n'accède à l'arme nucléaire», lui a fait écho le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian, lors de sa rencontre avec Heiko Maas.

Ce dernier a estimé que l'accord «rendait le monde plus sûr et que sans lui le monde sera moins sûr», redoutant «qu'un échec conduise à une escalade» au Moyen-Orient.

Les ministres allemand et français ont assuré vouloir coûte que coûte maintenir le cadre existant négocié avec Téhéran. «Nous avons l'intention de nous y maintenir, quelle que soit la décision américaine», a dit Jean-Yves Le Drian.

Reste savoir ce que ferait l'Iran en pareil cas.

Les ultraconservateurs du pays maintiennent une ligne très dure. Jeudi, un conseiller de l'ayatollah Ali Khamenei, guide suprême iranien, a affirmé que l'Iran quitterait l'accord si Washington mettait sa menace à exécution.

Mais le président Hassan Rohani souffle le chaud et le froid, assurant lundi que Téhéran pourrait y rester, à condition que les Européens garantissent les attentes iraniennes, après avoir prévenu la veille que les États-Unis regretteraient «comme jamais» un éventuel retrait.