L'administration Trump a décidé d'ajouter une question sur la citoyenneté dans le prochain recensement de la population, une décision critiquée par les démocrates qui dénoncent une tentative «d'intimider» les immigrés et d'influer sur la carte électorale.

Le recensement de la population, qui a lieu tous les dix ans et dont le prochain se déroulera en 2020, constitue un véritable outil de démocratie aux États-Unis.

Inscrit dans la Constitution, il détermine en effet le nombre de sièges que chaque État détient à la Chambre des représentants. Et un comptage précis et fidèle des personnes vivant dans le pays garantit une répartition et une distribution équitables des plus de 675 milliards de dollars de fonds fédéraux annuels consacrés aux écoles, hôpitaux, routes et autres services publics.

Donald Trump a affirmé après sa victoire en 2016 que des millions d'immigrés en situation illégale avaient voté alors que seuls les citoyens américains sont en droit de le faire.

La question: «Cette personne est-elle un citoyen des États-Unis?» n'était plus présente dans les formulaires de recensement depuis 1950.

«Ce changement nocif va susciter peur et méfiance des communautés vulnérables et va se traduire par une sous-estimation des communautés qui seront ultérieurement moins représentées, financièrement exclues et laissées pour compte», a condamné mardi Nancy Pelosi, responsable de la minorité démocrate à la Chambre des représentants.

Plainte en Californie

Selon elle, l'administration Trump n'a tenu compte ni d'une étude récente menée par le bureau du recensement ni du consensus d'anciens directeurs de ce bureau faisant apparaître les inquiétudes sur le non-respect de la confidentialité des données personnelles.

Le président américain a clairement exprimé son intention de limiter l'immigration légale et de renforcer la lutte contre les clandestins. Toute une frange de la population pourrait tout simplement refuser de participer au prochain comptage, par crainte que ces informations ne soit utilisées contre elle.

Une coalition des procureurs a d'ailleurs exhorté en février le ministère du Commerce, dont dépend le recensement, de ne pas ajouter une telle question, arguant que cela se traduirait par une plus faible participation des immigrants et in fine une sous-estimation.

Le procureur général de Californie Xavier Becerra a annoncé mardi sur Twitter le dépôt d'une plainte dès lundi soir contestant cette décision, estimant qu'elle constituait une violation de la Constitution. «La Californie a tout simplement trop à perdre», a-t-il réagi.

Concrètement, si les minorités ethniques ne participaient pas pleinement au recensement, cela pourrait affecter l'équilibre politique au Congrès dans la mesure où ces populations sont plutôt concentrées dans les villes où les démocrates obtiennent le plus de soutien.

«Dans des États comme le Texas, la Californie ou l'Arizona qui comptent d'importantes communautés hispaniques, des sièges pourraient être perdus si ces minorités étaient sous-comptabilisées», selon Matthew Snipp, professeur de sciences humaines à l'université de Stanford.

«Assaut contre les immigrés»

C'est le ministère de la Justice qui a requis en décembre l'ajout de cette question au motif de faire respecter le «Voting Rights Act» qui interdit la discrimination raciale en matière de vote.

«Le but est de déterminer qui sont les personnes qui sont ici. Cela aide aussi à mettre en oeuvre le Voting rights Act», a fait valoir mardi Sarah Sanders, porte-parole de la Maison-Blanche, ajoutant que cela permettrait de faire respecter les lois et les procédures américaines.

«Une question sur la citoyenneté est un ajout raisonnable et de bons sens», a commenté Ted Cruz, sénateur républicain du Texas. «Comptabiliser le nombre de citoyens américains dans le pays devrait être une grande priorité du recensement», a estimé Tom Cotton, son collègue de l'Arkansas.

«Le recensement ne devrait pas être un outil partisan», a au contraire réagi Gerry Connolly, représentant démocrate pour la Virginie.

«C'est une attaque lâche contre notre démocratie et une tentative évidente d'intimidation des communautés immigrées», a en outre estimé Tom Perez, président du Democratic National Committee (DNC).

Les associations de défense des minorités ont, elles aussi, déploré cette décision.

«Dans un nouvel assaut contre les immigrés, des Hispaniques et du recensement de 2020, le ministère du Commerce et l'administration Trump choisissent aujourd'hui de placer la politique au-dessus des intérêts du peuple américain», a relevé Arturo Vargas, directeur de Naleo, une organisation qui promeut la participation des Hispaniques dans la société américaine.

En 2010, la population américaine était de 308,8 millions de personnes (+9,7% en dix ans). Selon les dernières estimations, elle serait actuellement de près de 327 millions de personnes.