Deux semaines après avoir vu mourir sous les balles leurs camarades de classe, les élèves d'une école de Floride ont repris mercredi le chemin des cours, dans l'émotion et l'espoir que leur pays agisse enfin contre les armes à feu.

«Je me sens tendue, mais nous sommes vraiment soutenus par tout notre entourage», confiait Emily Quijano, une adolescente de 16 ans.

«L'ambiance est relativement triste parce que nous connaissions les personnes qui sont mortes. C'est triste parce qu'une telle chose n'aurait jamais dû arriver», poursuivait l'élève de l'école Marjory Stoneman Douglas, dans la ville de Parkland.

Le 14 février, jour de la Saint-Valentin, un jeune homme qui avait été renvoyé de l'établissement a ouvert le feu dans les classes. Nikolas Cruz, 19 ans, a abattu 17 personnes et fait 16 blessés.

Un carnage qui aurait pu être pire: le fusil d'assaut semi-automatique qu'il avait acheté légalement se serait enrayé, selon des sources d'enquête citées par CBS.

«J'ai entendu dire que le président (Trump) voulait armer les professeurs et je pense que ce n'est pas envisageable. Il faut se débarrasser des armes, ne plus en apporter une seule!», ajoutait Emily, alors que de nombreux policiers étaient déployés autour de l'école pour cette rentrée éprouvante.

«Je n'ai pas peur. Seulement ça fait bizarre de revenir après tout ce qui s'est passé», déclarait de son côté Sean Cummings, du haut de ses 16 ans. «Je me dis qu'on est mieux protégé que n'importe quelle autre école, mais cela fait une drôle d'impression de revoir tout le monde sur place et tous ces policiers».

Entreprises sous pression

Les enseignants étaient déjà venus ces derniers jours pour se préparer et, dimanche, l'école avait organisé une journée d'orientation pour permettre aux élèves et parents de récupérer les affaires laissées dans la panique de l'évacuation.

Le drame à l'école Marjory Stoneman Douglas s'est inscrit dans une longue liste de tueries similaires dans des écoles américaines. Mais, cette fois, les écoliers rescapés ont pris la tête d'un mouvement spontané exigeant un durcissement du régime d'acquisition et de détention des armes.

Ils sont parvenus à relancer un débat qui, par le passé, s'est souvent révélé stérile. Ils ont remis sous pression les entreprises et responsables liés à la National Rifle Association (NRA), le premier lobby des armes qui a soutenu dans sa campagne le président Donald Trump.

Dernier signe que les choses ont recommencé à bouger, l'une des plus grandes chaînes de distribution d'articles de chasse, pêche et activités de loisir en plein air des États-Unis, Dick's Sporting Goods, a annoncé mercredi cesser la vente de fusils d'assaut.

La firme a précisé qu'elle ne proposerait plus de chargeurs à grande capacité ni d'armes aux moins de 21 ans.

«Colère»

Sur le plan politique, les rescapés de Stoneman Douglas ont vu leurs espoirs initiaux d'une législation ambitieuse douchés par la dure réalité de l'inaction d'un Congrès où les élus redoutent de payer dans les urnes des mesures qui seraient dénoncées comme attentatoires au droit constitutionnel d'être armé pour se défendre.

Après avoir promis d'agir «fermement» sur le sujet de l'âge légal pour acheter certaines armes particulièrement létales, M. Trump a donné l'impression ces derniers jours d'éviter volontairement le sujet. Il pourrait y revenir mercredi après-midi en recevant des législateurs.

En Floride, État où se trouve Parkland et où la NRA exerce une forte influence, la question de l'âge légal restait d'actualité, mais l'hypothèse d'interdire les fusils d'assaut semblait vouée à l'échec.

Parmi les élus républicains -- majoritaires dans l'État --, le sénateur Marco Rubio a vu sa popularité fondre selon un sondage Quinnipiac, ses électeurs lui reprochant d'être soit trop éloigné soit trop proche de la NRA.

«Ce qui me rend le plus en colère, c'est que deux semaines après tout cela pas un seul texte de loi n'a été adopté ni par l'État ni au niveau fédéral», regrettait David Hogg, un des élèves les plus en vue dans la contestation.

Croix blanches

Au coin de l'école de Parkland, ville située au nord de Miami, dix-sept croix blanches ont été érigées en mémoire des victimes.

Le président de la Chambre des représentants, Paul Ryan, a fustigé mardi «un échec colossal», rappelant que l'antenne floridienne du FBI avait «échoué à enquêter sur la base d'une information claire», après été avertie en janvier des intentions du tireur.

«Permettez-moi de dire que nous ne devrions pas interdire les armes à feu aux citoyens respectueux de la loi, mais nous devrions veiller à ce que les citoyens qui ne devraient pas se procurer d'armes à feu ne les obtiennent pas», a-t-il ajouté.