La Cour suprême américaine a jugé mardi que les migrants détenus aux États-Unis n'avaient pas droit à une audience périodique de demande de libération conditionnelle, même quand leur rétention administrative se prolonge de façon interminable.

La décision a été prise à la majorité des cinq juges conservateurs de la haute cour, contre trois magistrats progressistes. Une neuvième juge de l'instance s'était récusée dans l'affaire.

Il s'agit d'un gros revers pour les défenseurs de droits des immigrés, qui se préoccupent de la répression anti-clandestins actuellement encouragée par le président Donald Trump.

Le gouvernement américain est lui conforté dans l'application de la loi en l'état, malgré l'engorgement des procédures.

«Le gouvernement de M. Trump s'emploie à allonger à des niveaux record les détentions en matière d'immigration», a réagi mardi Ahilan Arulanantham, l'avocat qui avait plaidé contre les autorités lors de l'audience en octobre.

M. Arulanantham a appelé à retourner devant les tribunaux de première instance pour continuer la lutte contre les «détentions prolongées abusives».

Dans une opinion écrite de désaccord avec le jugement, le magistrat progressiste Stephen Breyer a appelé à «remémorer les mots de la Déclaration d'indépendance (des États-Unis), en particulier l'accent qu'elle met sur les droits inaliénables de tous les hommes et femmes, parmi lesquels la liberté».

S'ils sont interpellés après voir franchi illégalement la frontière américaine et qu'ils contestent leur expulsion, ou encore s'ils sont arrêtés pour une infraction valant possiblement expulsion et qu'ils choisissent de lutter pour rester aux États-Unis, les immigrés risquent actuellement de passer des mois voire des années derrière les barreaux.

«Il est incroyable qu'un citoyen arrêté pour un crime ait droit à une audience (judiciaire) dans les 48 heures (...) alors qu'un étranger qui n'a commis aucun crime va être détenu six mois sans être entendu» par un juge, avait souligné David Cole, le directeur juridique de l'ACLU, la grande organisation américaine de défense des droits, partie au dossier.

L'affaire jugée mardi trouve son origine dans un recours collectif lancé par un Mexicain, Alejandro Rodriguez, et d'autres étrangers.

Arrivé en bas âge aux États-Unis, M. Rodriguez bénéficiait d'un permis de séjour et travaillait comme assistant dentaire. Ayant été condamné une fois pour avoir roulé dans une voiture volée, puis interpellé pour détention de stupéfiants, les autorités ont cherché à l'expulser.

Il a passé trois ans derrière les barreaux avant d'enfin pouvoir faire valoir son droit à rester dans le pays.

Ces détentions prolongées ressemblent à une réclusion en centrale pénitentiaire: les étrangers sont contraints à porter une combinaison de prisonnier, ont les membres entravés au parloir et sont soumis aux fouilles et à la surveillance classique d'une prison.