La communauté médicale est de plus en plus irritée du fait que l'administration Trump justifie une énième tuerie survenue aux États-Unis par les problèmes de santé mentale de l'individu qui l'aurait perpétrée.

«L'idée que la maladie mentale soit annonciatrice de comportements violents est insensée», affirme le docteur Louis Kraus, chef du département de psychiatrie médico-légale à l'école de médecine de l'Université Rush à Chicago.

«La vaste majorité des violences par arme à feu ne sont pas imputables à la maladie mentale.»

Nikolas Cruz, l'individu de 19 ans accusé d'avoir tué 17 personnes le jour de la Saint-Valentin à son ancienne école de Parkland en Floride, est décrit par ses anciens camarades de classe comme un jeune homme solitaire, dont le comportement troublant avait mené à son expulsion de l'établissement. Sa mère est morte récemment et il vivait avec des amis de la famille.

Depuis que la fusillade est survenue, le président Donald Trump a surtout abordé l'état de santé mentale du suspect. De plus, lors d'une téléconférence avec des journalistes, le secrétaire à la Santé et aux Services sociaux, Alex Azar, a déclaré que l'administration s'engageait à étudier de près les problèmes graves de santé mentale.

Des experts en santé mentale accueillent à bras ouverts cet intérêt nouveau pour le sujet et la volonté d'y consacrer des ressources supplémentaires, mais selon eux, l'administration Trump élude le vrai problème: l'accès facile aux armes à feu, dont les plus dangereuses, qui ont été utilisées dans la plupart des récentes tueries.

«Même pour ceux qui arrivent à survivre à la violence par arme à feu, la sévérité et l'effet à long terme de leurs blessures, de leurs handicaps et de leurs traitements mènent à des conséquences dévastatrices», a écrit le président de l'Association médicale américaine, David Barbe, dans un billet publié en ligne après le drame.

Une «crise de santé publique»

«Nous ne parlons pas des droits du Deuxième amendement ou de restreindre la capacité à posséder une arme à feu. Nous parlons d'une crise de santé publique que notre Congrès n'a pas abordée. Cela doit cesser», a-t-il ajouté.

Il faut que les patients aient un meilleur accès aux soins de santé, a-t-il plaidé en entrevue vendredi. Mais «expliquer cela seulement par la maladie mentale ne suffit pas», selon lui.

Son association a appuyé les initiatives pour approfondir les recherches sur la violence par armes à feu, interdire les armes d'assaut et restreindre l'accès à des armes automatiques. M. Barbe a souligné que l'administration américaine devait financer la recherche pour répondre à une «crise urgente en santé».

Les recherches du gouvernement américain sur la violence par arme à feu, freinées par le lobby des armes, sont restreintes depuis des années.

L'Association américaine de psychiatrie, l'Académie américaine de pédiatrie ainsi que quatre autres associations médicales ont diffusé une déclaration commune vendredi pour demander au président Trump et au Congrès qu'ils désignent la violence par arme à feu comme une épidémie nationale de santé publique.

Le groupe recommande entre autres de limiter l'accès aux armes puissantes et à tir rapide qui sont conçues pour tuer, et de financer la recherche sur le sujet dans les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC).

Selon les CDC, environ 38 000 personnes ont été tuées par des armes à feu en 2016 aux États-Unis, ce qui s'avère plus élevé que le nombre de personnes mortes dans des accidents de voiture.

«Les familles des victimes à Parkland et tous ceux dont la vie a été touchée par des actes quotidiens de violence par arme à feu méritent plus que nos pensées et nos prières. Elles ont besoin d'action de la part des plus hauts niveaux de gouvernement pour mettre fin maintenant à cette épidémie de violence par arme à feu», ont-ils écrit dans un communiqué.

L'Académie américaine des médecins de famille, le Collège américain des médecins, le Collège américain des obstétriciens et gynécologues et l'Association américaine d'ostéopathie ont aussi signé la déclaration.

Trump prône un timide resserrement

Le président Trump perçoit les propriétaires d'armes à feu comme un électorat important qui l'a aidé à remporter la Maison-Blanche.

Avant d'être candidat à la présidence, M. Trump semblait être favorable à un plus grand contrôle des armes à feu. Mais dès qu'il s'est présenté à la présidence, il a défendu le droit du port d'armes à feu, et la puissante National Rifle Association a dépensé 30 millions $ pour l'aider dans sa campagne.

Par ailleurs, sa dernière proposition de budget sabrerait dans les fonds destinés au programme Medicaid, la source de revenus la plus importante pour financer le traitement des problèmes de santé mentale, et diminuerait du tiers des fonds consacrés aux programmes de sécurité dans les écoles.

L'année dernière, il a signé une résolution pour bloquer une règle adoptée sous l'administration Obama qui avait été conçue pour éloigner des armes à feu certaines personnes atteintes de problèmes de santé mentale.

La porte-parole de la Maison-Blanche, Sarah Huckabee Sanders, a déclaré dans un communiqué dimanche que M. Trump travaillait avec des sénateurs sur une loi qui viserait à améliorer les vérifications d'antécédents criminels.

«Alors que les discussions sont en cours et que des révisions sont considérées, le président appuie les efforts pour améliorer le système fédéral de vérification d'antécédents criminels.»

Le gouverneur républicain de la Floride, Rick Scott, un proche de Donald Trump, dit avoir parlé avec le président et les élus républicains pour trouver des moyens de limiter l'accès aux armes à feu pour les personnes éprouvant des problèmes de santé mentale.

Le docteur Garen Wintemute, directeur d'un programme de prévention de la violence à l'Université de la Californie, souligne que les règles en vigueur en Californie et dans la ville de Washington adoptent «une approche beaucoup plus précise».

Les lois dans ces États permettent aux tribunaux d'interdire l'accès aux armes à feu aux gens qui représentent une menace envers eux-mêmes et envers les autres.

«La Floride n'a pas un tel mécanisme. Ça aurait pu prévenir cette (fusillade); il y avait plusieurs signes avant-coureurs», a-t-il suggéré.