Après la peur, après le choc, le deuil. Parkland a commencé aujourd'hui à enterrer les victimes de la fusillade meurtrière de mercredi dernier, avec un mélange de résignation et de colère.

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La mère d'une adolescente décédée et d'autres proches de victimes ont exhorté vendredi le président américain à agir contre les armes à feu, alors que des centaines de résidents vêtus de noir défilaient dans les première obsèques d'une longue série.

Donald Trump est justement attendu en Floride aujourd'hui même.

Ce vendredi midi, à la Congrégation juive Kol Tikvah de Parkland, les adolescents accompagnés de leurs parents affluaient pour rendre un dernier hommage à Meadow Pollack, tuée mercredi. Elle avait 18 ans.

«C'était mon amie au Middle School. À une période où je n'allais pas bien, c'est elle qui m'a poussé à chercher de l'aide», a dit Paige Allen. Elle même fréquente la Marjory Stoneman Douglas High School. Elle se trouvait assez loin du tireur pour ne rien avoir entendu. «Mais la réalité nous rattrape», a-t-elle dit avant que sa voix ne s'éteigne, sa joue frémissante.

«C'est très personnel pour moi. Je la connaissais très bien», a affirmé Fred Davis, entraîneur personnel qui a travaillé avec la famille Pollack. «Elle était extrovertie. Toujours plaisante à côtoyer. Elle était la plus dynamique de mes élèves, drôle aussi.»

«Morte ! Froide !»

Le deuil d'autres proches éplorés passe plutôt par des revendications politiques.

« Des actes ! Des actes ! Des actes ! », a crié Lori Alhadeff sur les ondes de CNN, en interpellant directement le locataire de la Maison-Blanche. Sa fille Alyssa, 14 ans, est tombée sous les balles du tireur mercredi.

« Je viens de voir ma fille, au corps froid comme la glace. Elle a reçu des tirs dans le coeur, dans la tête, dans la main. Morte ! Froide ! Elle ne reviendra pas », a martelé Mme Alhadeff, à l'issue d'une veillée ayant rassemblé des milliers d'habitants.

Le président Trump, qui avait été activement soutenu dans sa campagne par les lobbys des armuriers, s'est pour l'instant gardé d'établir un lien entre la dissémination des armes à feu dans le pays et la fusillade qui a semé en quelques secondes la mort et le chaos à l'école secondaire Marjory Stoneman Douglas de Parkland.

À l'inverse, M. Trump a insisté sur les perturbations mentales de Nikolas Cruz, en soulignant vouloir porter ses efforts sur le terrain de la prise en charge des personnes souffrant de troubles psychiques.

« Je vais me rendre en Floride aujourd'hui [vendredi] pour rencontrer des gens parmi les plus courageux sur Terre - mais des gens dont les vies ont été totalement anéanties », a tweeté le président.

M. Trump n'a pas précisé quand il allait rencontrer les victimes, mais il a prévu de se rendre dans sa résidence de Mar-a-Lago, qui se trouve non loin de Parkland, pour le long week-end de President's Day.

En tout cas, il sera attendu de pied ferme par les rescapés de la fusillade et les familles endeuillées.

« No guns 4 kids »

Le long de la route vers l'école secondaire, des pancartes récemment posées affichent : « No guns 4 kids » (« Pas d'armes pour les enfants »).

« Trop c'est trop. Il est urgent d'adopter des lois de bon sens qui empêcheraient les personnes malades mentales de se procurer des armes qu'elles ne devraient pas avoir en main », a confié à l'AFP Diana Umpiere, une résidente locale.

« Mon Alyssa n'est plus. Mais désormais je me bats pour les autres enfants qui continuent à aller à l'école », a de son côté assuré Lori Alhadeff.

Comme elle, de nombreux élèves ou parents de Floride ont lancé des appels à davantage réglementer l'accès aux armes les plus mortelles, facilement accessibles actuellement par des mineurs de 21 ans.

« C'est quelque chose qui peut être stoppé », a estimé Cameron Kasky, scolarisé à l'école secondaire. Selon lui l'accent mis sur les maladies psychiques « sert à éviter de parler de la limitation à l'accès aux armes ».

Everytown for Gun Safety et Moms Demand Action, deux organisations en pointe de ce combat, ont lancé vendredi une initiative nationale pour écarter les élus qui temporisent sur la question.

« L'heure est venue de les dégager », a justifié John Feinblatt, le président of Everytown for Gun Safety.

« Les Américains en ont assez des excuses et de l'inaction : il est temps d'élire des responsables qui vont enfin agir pour arracher des vies à la violence des armes à feu ».

Chaque tuerie par arme à feu endeuillant les États-Unis ouvre un cycle immuable de réactions horrifiées, suivies de prières et d'indignation, avant que les divisions politiques ne débouchent sur une impasse législative.

Le sénateur républicain de Floride et ancien candidat à la primaire présidentielle Marco Rubio, est lui directement visé par des panneaux mobiles, dévoilés vendredi à Miami. Avec le message suivant : « Massacrés à l'école ; Et pourtant toujours aucune mesure contre les armes ; Comment cela se fait, Marco Rubio ? »

L'enquête judiciaire se poursuivait en parallèle, avec une question aiguë : la police fédérale, qui avait été alertée en septembre sur l'existence d'un commentaire menaçant laissé par Nikolas Cruz sur un site en ligne, a-t-elle failli ?

Lors d'une brève comparution jeudi devant une magistrate, M. Cruz est apparu prostré entre ses avocats, les membres entravés par des chaînes, avec un visage aux traits encore juvéniles.

Face aux enquêteurs, il a reconnu être l'auteur de l'attaque, qu'il a menée avec un fusil d'assaut et des chargeurs de munitions qu'il transportait dans un sac à dos.

Réussissant à se fondre parmi les élèves évacués, il est ensuite allé s'acheter à boire dans une sandwicherie Subway, puis s'est arrêté dans un McDonald's, avant d'être interpellé.

- Avec l'Agence France-Presse

PHOTO CARLOS GARCIA RAWLINS, REUTERS

Des croix ont été installées dans un parc en souvenir des victimes.