« Le tireur était dans notre couloir [...] Il y avait un jeune qui suppliait à la porte de notre classe : "Laissez-moi entrer, laissez-moi entrer." »

Tyra Baldeo, 16 ans, tremblait encore de peur, hier, en racontant à La Presse l'effroyable après-midi où elle a frôlé la mort. Une chance toute relative que 17 autres élèves et employés de l'école secondaire Marjory Stoneman Douglas n'ont pas eue. Quatorze autres personnes ont été blessées.

Lorsque l'alarme d'incendie a retenti pour une seconde fois ce jour-là, quelques minutes seulement avant la fin des classes, « le professeur semblait se douter que quelque chose ne tournait pas rond », a relaté la jeune fille, jeans troués et lunettes de soleil sur la tête. « Les élèves voulaient sortir, mais il a regardé dans le corridor » et il a « aussitôt fermé la porte et les lumières en demandant aux élèves de se mettre derrière un bureau ».

La suite pour Tyra : l'attente, à travers les « forts » coups de feu et les supplications d'élèves - blessés, selon elle - cherchant à fuir. 

« Ça se passait dans le corridor, juste à l'extérieur de ma classe », raconte Tyra Baldeo.

La police les a finalement évacués. Elle ne savait pas ce qu'il était advenu de l'élève qui gémissait et frappait à la porte de sa classe.

Parkland croyait avoir trouvé le secret de la sérénité et de la sécurité : une ville faite de plusieurs ensembles résidentiels fermés au milieu d'une végétation luxuriante, avec barrières et agent de sécurité à l'entrée. La municipalité avait d'ailleurs été couronnée collectivité la plus sécuritaire de Floride l'an dernier.

Mais en ce lendemain du 14 février, les 3000 élèves de l'école secondaire locale ont dû se rendre à l'évidence : comme tout autre élève américain, ils sont vulnérables à la folie armée d'un semi-automatique.

« J'ai perdu trois amis », a réussi à dire d'une voix faible Austin Lazar, 17 ans, dont c'est la dernière année d'études secondaires.

« Heureusement, j'étais dans un bâtiment à l'autre bout du campus. Je savais que quelque chose n'allait pas », a-t-il continué, faisant référence au fait qu'une alarme d'incendie retentissait pour la deuxième fois dans la même journée. « J'ai entendu des gens courir, des gens crier. Je savais qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. » Le jeune homme, vêtu d'une veste de sport aux couleurs de son école, a aussi perçu des bruits sourds, sans doute des coups de feu, a-t-il conclu.

IL « NE POURRA JAMAIS DIRE : "J'AI MON DIPLÔME." »

Tara Hemans, 19 ans, s'est approchée le plus près possible de l'école, hier midi, en montrant à la face du monde deux affiches faites de photos de deux présumées victimes de la tuerie. L'une ces victimes était un camarade de classe. 

« Dix minutes avant que les classes ne soient terminées, j'ai entendu POW-POW-POW », dit-elle.

Elle avait vu son ami plus tôt dans la journée, l'air heureux et soulignant la Saint-Valentin avec sa copine.

Sur ses affiches fabriquées en vitesse, elle rend hommage à Joaquin Oliver, au nombre des tués. « Mon cher ami ne pourra jamais dire : "J'ai mon diplôme" », se désole-t-elle. La jeune femme réclame aussi un meilleur contrôle des armes et entend bien le dire à Donald Trump si elle le peut - le président a exprimé hier sa volonté de visiter la municipalité endeuillée.

Mme Hemans est venue pleurer et crier sa tristesse le long du cordon de police, à une centaine de mètres de l'école. On y aperçoit des bus scolaires et des automobiles abandonnés. Des hélicoptères survolent sans arrêt la scène.

C'est là que le shérif du comté de Broward, où est située Parkland, a décliné en fin de journée la longue liste des 17 personnes tuées dans l'attaque. Des élèves, surtout, mais aussi le professeur de géographie Scott Beigel, le coach et agent de sécurité Aaron Feis, que plusieurs témoins ont décrit comme un héros pour être mort en protégeant un jeune d'une balle, ainsi que Chris Hixon, directeur des sports.

17 ANGES

Toute la journée, des centaines d'élèves de l'école Marjory Stoneman Douglas se sont réunis dans un immense parc local afin d'affronter collectivement l'horrible réalité. Comme ils l'ont eux-mêmes vu des dizaines de fois à la télévision dans des circonstances semblables, filles et garçons se consolaient en ouvrant grands leurs bras, les yeux humides. Des crises de larmes éclataient à gauche et à droite pendant que des travailleurs sociaux quadrillaient la foule.

Sur une scène extérieure, on avait déployé 17 anges lumineux grands comme des enfants, qui semblaient avoir été gardés en réserve pour ce moment.

Le crépuscule venu, élus, leaders religieux et policiers se sont relayés pour mener une veillée à la chandelle. Sur la pelouse, de petites croix de bois à la verticale donnaient au parc l'air d'un cimetière bondé. Dix-sept ballons blancs ont été lâchés. Devenue fréquente aux États-Unis, la cérémonie post-tuerie a ses codes auxquels il est difficile de déroger.

Un accroc, tout de même : des jeunes dans le public ont commencé à scander « Nous ne voulons plus d'armes à feu ! » au milieu des discours plus consensuels tenus sur la scène. Le slogan a survécu quelques dizaines de secondes, repris par une minorité du public, avant de s'éteindre.

Cette absence d'enthousiasme pour de telles politiques était aussi manifeste sur les tribunes téléphoniques continues à la radio locale, où les partisans d'un contrôle accru des armes se faisaient beaucoup moins entendre que ceux qui croient que le problème est ailleurs. L'une des auditrices proposait de placer des détecteurs de métaux et de permettre aux professeurs de porter une arme cachée sous leurs vêtements.

Photo Gerald Herbert, Associated Press

Le crépuscule venu, des centaines de personnes, dont cette famille, se sont rassemblées sur la pelouse.